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Billet de blog 30 novembre 2015

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Poème pour M'Hamed Issiakhem

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Écrivain

Poème pour M'Hamed Issiakhem

Publication: 30/11/2015 16h27 CET  Mis à jour: 30/11/2015 18h33 CET 

C'est un poème que j'ai écrit pour M'Hamed Issiakhem en septembre 1985, deux ou trois mois avant son départ, il y a trente ans, le 1er décembre 1985. Il l'a lu. Il a eu un sourire, un peu triste... 

A l'époque, il était très fatigué, mais il continuait à recevoir ses amis, trônant dans son lit installé dans le salon de sa maison à Baïnem, avec l'autorité d'un héros antique, lyrique et fraternel, incitant à la révolte, au combat, à la vie ! 

d'ivresses de feu et de velours 
d'herbe lourde 
comme rythmée 
du sang mauvais de l'âcre paysage 

au départ vers la mer 
l'acide bleu minuscule de l'amour 
jamais dit 

toujours le même trouble 
du toujours même instant

gare 
mutilation

je t'écoute dans la fumée bleue 
je n'ai aucun repère 

je crois savoir d'où vient cette blancheur 
eau blanche dans un sillon de glaise 

l'extrême lenteur 
de l'extrême couleur du jour

je crois que je vois 

la peinture de la farce 
goûts sucrés 
notes de mandoline 
amies délicieuses 
exécuteurs talentueux 
troupes bigarrées 
barrées d'un trait large 
rouge 
s'asséchant

soldat mort mille fois sous les arbres 
sous l'œil vigilant de l'oiseau 
du Turc de l'errant

je crois goûter au doute
à ses cercles fragiles
ondes de peur soudaine

on ne goûte pas à l'amertume
on en meurt

farce de beauté
pourtant glorieuse
comme 
la déchirure dans l'orgasme 
de l'agave
et des plaines de silence

je crois sentir la sève
la blancheur

la mort
couche dehors
dans un crépuscule d'odeurs glacées
dans l'enfance de ses ombres
pleines 
attentives
au cri
au signe
à l'oiseau
au métal dont on fait
le poème ou le couteau

je crois comprendre cette photo
de vous deux 
frères fiévreux 
proche parenté de matière qui brûle
exhale
râle 
possible clameur
projection d'un seul trait
d'un seul sens
dans le papier humide et lourd
de la mémoire qui importe peu

je ne sais pas qui sera le premier
à ouvrir l'écorce inconnue
le premier à se laisser prendre 
à l'odeur opaque des immenses vergers
où l'incolore domine
le premier qui touchera la terre molle de lumière et d'étoiles
qui sera un pleur au lieu de son corps
et du feu 
au lieu imprécis
de la flamme
du reflet

je ne sais pas si je t'écoute 
dans la fumée bleue

je ne sais pas où est l'art
où est l'instant

je ne sais pas où est la route
la pluie
le jardin provisoire

chiffre atroce

sur le mur

étrangers
buveurs de poisons subtils
marcheurs de la grande Fatigue

le paysage change

je crois voir demain

matin fluide
chute de colombes
noyades
dans l'odeur de l'argent

ombres vivantes aperçues
contre torsades de fer
ocres murailles

passantes à l'âme extraite
drapées d'oripeaux
odorantes 

marchés lointains

fumeurs d'illusion
amants
vagues receleurs de sphères de lumière
très ancienne
acquise contre mille cécités

secrètes
sources

il y a cage 
dans l'œil des forçats coloriant l'avenir
l'advenu maquillant la mort
outrageant le mourant

il y a pays
surfaces aimées
qu'incruste la poussière

vides paroles
oraisons rectilignes
confusion de parfums funéraires
à cause du prix

mais peu importe

pays de silence
destin à jaunir

irrigations trop dures
forces de l'amour et de l'interdiction
mélanges de lumières
martyres
film doux des millénaires

il y a 
trop peu de temps

il y a toi
et d'autres signes incandescents

je ne sais pas qui tu es
toi que j'écoute

l'intangible

rieur du Rien

Moustachu

Septembre 1985

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