Aujourd'hui, il paraît que Paname, c'est Bagdad. Ça a canardé par ici, déchiqueté par là. Scène de boucherie au Bataclan, fusillades dans le 10 et le 11, explosions à Saint-Denis. Du sang et des larmes, comme disait le gros. Les rades ferment leurs portes, les gastos, les cinés et les bahuts aussi. J'ai reçu dix coups de bigo en moins de vingt minutes, alors j'ai rassuré tout le monde "merci d'appeler mais c'est bon, j'suis chez moi là". En vrai, que dalle, je reste dehors. Nique sa mère les couvre-feux, je vais pas m'empêcher de bouger. C'est peut-être pas malin, ça fait pas de moi un héros, mais c'est comme ak.
Il paraît qu'ici, c'est la guerre. Les schmitts, sous tension, ne respectent plus rien. Un cops a braqué son arme sur mon pote, pour chipette. L'état d'urgence est décrété. Le président a annoncé des mesures exceptionnelles, réunion de crise à l'Elysée, perquizes, fermeture des frontières... ça pue la merde, alors je m'étale du baume du tigre sous le zen.
Hystérie collective. A ma droite, on traite les assaillants de rats, d'ordures, de salauds à éradiquer. A ma gauche, on accuse l'intervention en Syrie, et la politique française. Par ici, on incrimine le coran, responsable de tous les maux de la terre, on te lâche même deux-trois versets sortis du trou de balle de je-ne-sais-où. Et par-là, on t'affirme le contraire, avec d'autres versets.
Rue de l'Echiquier. Un brun, grand et stocma, appelle à soutenir la mère Le Pen.
- J'aurais jamais voté pour elle auparavant mais là, c'est trop.
Une ancienne, cheveux hirsutes et écharpe multicolore autour du cou, vient l'embrouiller.
- Si tu soutiens l'extrême-droite, les terroristes auront gagné.
Puis comme d'hab', éclate le non-débat à la Française :
- Facho !
- Bobo !
- Raciste !
- Bienpensant !
- Extrémiste !
- Gauchiste !
- Complotiste
- Sioniste !
- Alors, t'es toujours pas Charlie là ?
Un peu plus loin, un narvalo tente de faire de l'humour : "c'est horrible ce qui s'est passé, j'ai pissé sur la cuvette des chiottes". Vénères, hystériques, les inquisiteurs ne tardent pas à lui tomber dessus. "Nan mais comment tu peux plaisanter dans un moment pareil ? Franchement, tu m'déçois". La vanne glisse mal mais le gars ne s'empêchera pas de déconner. Attends, on va quand même pas boycotter nos smiles !
Les réseaux sociaux s'enflamment. On se kiffe et on se déteste, on se suce et on se clashe. On reproche le trop-plein de colère des uns, la passivité des autres. Sur Facebook, on filtre les photos de profil avec les couleurs bleu-blanc-rouge. Elan nationaliste ? Excuse, patriote ! En cas de guerre, paraît que c'est utile. Les rumeurs affluent. C'est parti en sucette à Bagnolet. Des terroristes encore en liberté. Putain, ça craint ! "Ils ont retrouvé un passeport syrien, c'est louche. J'dis ça, j'dis rien", "paraît que les francs-macs et le CRIF étaient au courant de l'attaque avant tout le monde".
- Et toi, t'en penses quoi d'cette théorie ? me questionne le soce.
- Comme celle des hommes-lézards ! je le rembarre. J'en pense que t'es en train d'me casser les couilles. Vas-y, s'te plait, on arrête de parler d'ça. Allez viens, on va tizer !
Ouais, tizer ! C'est le moment ! Attends, on va pas s'empêcher de se retourner le crâne, ni de gerber sur le paillasson du voisin. Ce soir, j'ai prévu de pointer au Moon City, mélanger mon corps à d'autres, fourrer et lécher, tizer comme un polak, grailler comme un morfal, écouter du gros son. Demain, dimanche, j'm'empêcherai pas de fumer un énorme splif en matant un bon porno et lundi soir, de me buter au Rhum Gingembre, parler de littérature entouré de babtous, de renois, de rabzas, d'athées, de feujs, de muslims, de trans-pédés-gouines et j'en zappe. Peut-être bien qu'en loucedé, je m'enfilerai un para de MD dans la tuyauterie.
Bref, je continue à faire ma life. Et si ça te convient pas, va niquer tes morts !