Rendons hommage à ces élans de solidarité et de générosité qui à l’échelle de la France, s’expriment depuis une semaine de façon massive du côté des citoyens; à toutes celles et ceux qui, nouvellement concernés ou anciennement impliqués, relayent les appels à la solidarité, à la responsabilité, se rendent disponibles pour accueillir demandeurs d’asile et réfugiés, proposent leurs compétences aux ONG et se préparent à offrir leur toit pour ces personnes.
A la veille de la réunion des « maires solidaires » au ministère de l’Intérieur, l’engagement des communes s’inscrit dans le même mouvement généreux d’accueil des réfugiés.
La solidarité n’est pas qu’une affaire gouvernementale et européenne. Elle trouve son expression la plus énergique et efficace au niveau local, dans les engagements individuels et collectifs.
A Amnesty International France, nous n’en doutions pas. Depuis bientôt un an, nos militants ne relâchent pas leurs efforts pour convaincre les communes, les départements et les régions de France d’accueillir les réfugiés de Syrie particulièrement menacés.
L’horreur qui jette les Syriens sur les routes de l’exode atteint son paroxysme depuis 1994.
Plus de 4 millions d’entre eux sont déjà réfugiés dans les pays voisins : en Turquie, au Liban, en Jordanie, en Égypte. 380 000 de ces exilés constituent un groupe particulièrement vulnérable. Ils doivent rapidement être accueillis dans un autre Etat pour y bénéficier d’une protection efficace. Victimes de tortures, malades, handicapés, parents isolés,…Ils sont actuellement toujours en danger du fait de leur appartenance à des minorités, de leurs opinions politiques ou de leur orientation sexuelle.
Depuis le début du drame syrien, Amnesty International n’a eu de cesse d’appeler les autorités françaises à réinstaller ces personnes sur notre territoire. Interpellations écrites, rencontres, déclarations publiques répétées, mobilisations citoyennes, interpellation du Chef de l’Etat par plus de 48.000 personnes. Ces initiatives se sont soldées par des fins de non-recevoir, des réponses formelles ou des constats d’impuissance à faire plus.
Depuis 2011, ce seront seulement 1.000 à 1.200 personnes qui auront été ainsi libérées de leur angoisse du lendemain au Liban, en Jordanie ou en Égypte pour être accueillies dans des communes de France.
Compte tenu de sa population, du nombre de demandeurs d’asile, de sa richesse économique et dans le cadre d’un équilibre mondial, la France devrait au moins en accueillir 10.000 !
Pour changer la politique nationale, mobilisons les énergies locales !
Face à l’inertie politique, Amnesty International a fait le choix de la solidarité locale. Il nous est apparu indispensable de revenir à l’essentiel, au plus proche de là où pourraient être accueillis les réfugiés : les communes, les départements et les régions de France.
Près de 300 collectivités ont été destinataires de notre appel. Des rencontres se sont organisées entre les responsables des collectivités et les militants d’AI France. Loin de nous limiter à la sphère institutionnelle, nous avons également sensibilisé les populations locales.
La Journée mondiale des réfugiés a été l’occasion d’une formidable mobilisation, dans plus de 50 villes, pour aller à la rencontre des populations locales et discuter des solutions à apporter à l’échelle locale.
Sous une forme ludique des espaces de dialogues ont été créés. « Qu’emporteriez-vous si deviez fuir votre pays ? ». Cette question, posée collectivement, a permis de rapprocher les adultes comme enfants de la réalité des réfugiés. Loin des débats politiques et des récupérations électorales, envisager un instant de devoir quitter sa maison, sa ville, ses proches pour ne partir qu’avec quelques objets a soudainement réduit la distance entre les réfugiés et les citoyens.
Un autre visage de la France, à contre-courant du discours récurrent soulignant le repli sur elle- même a été révélé par cette initiative militante. Au niveau local, poser les termes du débat simplement et de façon concrète a permis à la compassion d’ éclore.
Seuls deux de nos groupes (et deux seulement) on fait face à une hostilité déclarée.
Les communes de France qui s’engagent et les citoyens qui s’investissent pour accueillir ces familles sont les artisans d’une politique efficace de protection des réfugiés.
La leçon de cette belle expérience réside bien dans les termes dans lesquels on pose la question de l’accueil des réfugiés. Elle nous conforte dans l’idée qu’il est urgent désormais pour les responsables politiques d’opérer un changement dans leur discours.
La rhétorique actuelle des responsables politiques est un frein voir un blocage à la reconnaissance de l’élan de solidarité que nous constatons aujourd’hui. Ils devraient au contraire se saisir de cette énergie pour en faire le levier d’un changement radical d’approche et y inscrire les fondations d’une politique axée sur la protection des réfugiés.
Jean-François Dubost, responsable du programme personnes déracinées à Amnesty International France
*Signez notre appel en cliquant sur ce lien #RefugeesWelcome