Nous voilà à mi-parcours de la dernière réunion préparatoire avant l’adoption du traité sur le commerce des armes et force est de constater que le consensus est loin de faire consensus.

New York, 15 février 2012
Par Aymeric Elluin, envoyé spécial d’Amnesty International France
Vendredi prochain, les États participants doivent avoir adopté le règlement intérieur de la conférence diplomatique de juillet. À ce jour, l’avancée des discussions bloque sur deux points. D’une part, la question de la prise de décisions – la manière dont seront adoptées toutes les décisions lors des négociations –, et d’autre part, la participation de la société civile à ces dernières. S’il y a unanimité pour faire une place importante aux ONG dans les négociations en raison de leur expertise, largement reconnue, la question du consensus ou plutôt de la façon dont doit être interprétée la règle du consensus pour la prise de décision finale, soulève tous les enjeux et cristallise les affrontements.
Plusieurs écoles de pensée se confrontent. Il y a d’un côté les partisans d’un consensus souple qui porterait sur le texte final afin de ne pas entraver les discussions sur la rédaction du texte. Et d’un autre côté, ceux qui promeuvent un consensus strict qui s’appliquerait sur l’ensemble des discussions. Ce choix de procédures est d’autant plus important qu’il aura un impact direct sur l’efficacité du traité. Pour Amnesty International, un consensus strict risquerait d’affaiblir le texte du traité et ainsi les garanties de protection des populations civiles.
Parmi les États les plus hostiles à un consensus ouvert et les plus méfiants sur le traité figurent les États arabes. Bien qu’ils ne soient pas dans une opposition frontale, la Fédération de Russie et la Chine ne sont pas en reste. En ce qui les concerne, on pourrait parler plutôt d’un scepticisme de principe et d’une prudence de mise. L’Union européenne et la France continuent à soutenir le processus en cours et maintiennent leur position. Les États-Unis ont fait, quant à eux, une brève intervention suggérant que le consensus ne devrait pas s’appliquer à l’ensemble de la conférence diplomatique mais au seul texte final. De plus, ils demandent à ce que la conférence permette des sessions à huis clos, sans les ONG. Ces mêmes ONG qui depuis des années se mobilisent et multiplient les actions de lobbying depuis lundi…
À ce stade, certaines impatiences commencent à poindre pour les États qui voudraient que le règlement intérieur soit enfin adopté afin de disposer des derniers jours de la réunion pour revenir sur le fond du traité. Il existe toujours un risque de voir la réunion préparatoire se terminer sans qu’un règlement intérieur ne soit adopté, une préoccupation réelle pour les ONG. Aussi, le Président du comité préparatoire doit trouver rapidement un compromis pour éviter un échec cette semaine. Les questions de procédure ne doivent pas prendre en otage la bonne tenue des négociations ni la sécurité des populations civiles. Car, c’est bien l’enjeu le plus important.