Par Amos de Tekoa
Publié sur Le Club Mediapart — Enquête / Santé publique
Après le départ mouvementé de Christine Wilhelm, le Centre hospitalier d’Aurillac tourne une page.
L’Agence régionale de santé a nommé, depuis le 1ᵉʳ septembre 2025, Houda Benabdelkader, venue du CHU de Clermont-Ferrand, comme directrice par intérim.
Une transition présentée comme apaisante, mais dont les contours restent à préciser.
🏥 Une nomination sous tension
Lorsque Houda Benabdelkader prend officiellement ses fonctions à la direction du Centre hospitalier Henri-Mondor d’Aurillac, le climat est encore lourd.
L’établissement sort d’une séquence marquée par des arrêts maladie, un rapport d’expertise CHSCT et un départ anticipé de l’ancienne directrice.
L’ARS Auvergne-Rhône-Alpes a alors décidé de “stabiliser la gouvernance” en confiant les rênes à cette cadre issue du CHU de Clermont-Ferrand, présentée comme une personnalité “calme, rigoureuse et à l’écoute”.
“Madame Houda Benabdelkader est nommée directrice par intérim du CH Henri-Mondor d’Aurillac à compter du 1ᵉʳ septembre 2025”, indique le communiqué officiel de l’ARS, qui précise qu’elle exercera également la direction commune des hôpitaux de Mauriac et Chaudes-Aigues, ainsi que de l’EHPAD de Chaudes-Aigues.
Une tâche immense, donc : gérer quatre structures publiques dans un département rural en tension sanitaire permanente.
👩💼 D’Estaing à Aurillac : un parcours discret mais solide
Avant Aurillac, Houda Benabdelkader occupait le poste de directrice adjointe du site Estaing au CHU de Clermont-Ferrand, l’un des pôles hospitaliers les plus importants d’Auvergne.
D’après le site du CHU, elle figurait au Directoire de l’établissement et bénéficiait d’une délégation de signature complète, couvrant les admissions, mouvements de patients, et actes administratifs de gestion courante (décision du 25 septembre 2023).
Son profil LinkedIn retrace un parcours classique de la haute fonction publique hospitalière : formation à l’EHESP, passages en ARS, puis montée progressive dans les directions d’hôpitaux.
Une trajectoire discrète, loin des projecteurs, mais marquée par un vrai ancrage technique dans la gestion hospitalière.
“C’est une administratrice rigoureuse, qui connaît parfaitement le terrain et les contraintes budgétaires”, glisse un ancien collègue du CHU de Clermont-Ferrand, sous couvert d’anonymat.
⚙️ Une directrice “intérimaire”, mais pas symbolique
Contrairement à certaines missions temporaires de transition, le mandat confié à Houda Benabdelkader ne se limite pas à la gestion courante.
Selon la Fédération hospitalière de France (FHF), elle est désignée comme directrice par intérim de la direction commune des hôpitaux du Cantal, c’est-à-dire avec pleine autorité administrative et budgétaire sur l’ensemble des établissements concernés.
Cette position fait d’elle l’une des rares femmes à diriger un groupement hospitalier territorial en Auvergne, même à titre provisoire.
“Le pari, c’est de retrouver un climat de confiance sans bloquer les dossiers en cours”, indique une source syndicale du CH d’Aurillac.
🩺 Héritage d’une crise encore ouverte
Son arrivée se fait dans un contexte fragile.
Le CH d’Aurillac, déjà en déficit, peine à recruter et à fidéliser ses équipes.
Les services d’urgence et de psychiatrie restent sous tension, les plannings sont saturés, et plusieurs cadres ont quitté le navire ces derniers mois.
Houda Benabdelkader doit donc reconstruire une direction fracturée, tout en poursuivant les restructurations entamées sous son prédécesseur.
Sa double mission — apaiser et réformer — est, de l’avis général, l’une des plus délicates de la région.
🧭 Un test pour la gouvernance hospitalière
Le cas Benabdelkader symbolise les limites du “management par intérim” qui se généralise dans la fonction publique hospitalière : des directeurs venus d’ailleurs, parachutés dans des établissements en crise, souvent sans le temps d’enraciner un projet durable.
À Aurillac, la nouvelle directrice doit convaincre des équipes épuisées qu’un autre mode de gouvernance est possible.
Le défi est double :
Rétablir la confiance au sein des équipes et des représentants du personnel ;
Assurer la continuité administrative dans un cadre budgétaire restreint.
“Les personnels veulent moins de discours, plus de présence et de dialogue”, résume un agent du bloc opératoire.
🧩 Ce que son arrivée dit du système
À travers la nomination de Houda Benabdelkader, c’est tout un modèle de gouvernance hospitalière qui s’expose :
celui d’une administration mouvante, où les directrices et directeurs se succèdent sans stabilité, dans un système contraint par les normes comptables et la pénurie de moyens.
Le défi qui l’attend dépasse donc sa personne :
il interroge la capacité de l’État à garantir la continuité du service public hospitalier dans les territoires ruraux.
Sa réussite, ou son échec, dira beaucoup de l’avenir du CH d’Aurillac — et, plus largement, de la gestion de nos hôpitaux de proximité.
“Aurillac n’attend pas seulement une intérimaire : il attend un cap.”
📚 Sources consultées
ARS Auvergne-Rhône-Alpes, communiqué de nomination du 1ᵉʳ septembre 2025.
Hospimedia, “Houda Benabdelkader prend la direction par intérim du CH d’Aurillac” (29 août 2025).
CHU de Clermont-Ferrand, décision de délégation de signature du 25 septembre 2023.
Fédération hospitalière de France (FHF), annuaire des directions (mise à jour 2025).
LinkedIn, profil professionnel de Houda Benabdelkader.