Par Amos de Tekoa

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— Aurillac, le 6 octobre 2025
🏥 Un diagnostic qui ne soigne pas, une médecine qui détourne le regard
La fibromyalgie n’est pas rare. Elle concerne environ 2 % de la population française, selon l’Inserm. Douleurs diffuses, fatigue extrême, troubles du sommeil, hypersensibilité sensorielle : la maladie tisse sa toile dans les corps, sans jamais laisser de trace visible.
Et c’est justement là que le problème commence.
Dans un monde médical bâti sur la preuve, la fibromyalgie dérange. Elle n’a ni prise de sang révélatrice ni imagerie probante. Alors, faute d’outil de mesure, certains préfèrent douter plutôt que d’écouter.
Le diagnostic, quand il arrive, n’est souvent qu’un constat d’impuissance. Il nomme la douleur, sans la reconnaître. Il classe le patient, mais ne le soigne pas.
C’est une étiquette sans prise en charge, un mot qui rassure les médecins plus qu’il ne soulage ceux qui souffrent.
🧬 Le corps des femmes, toujours suspect
La fibromyalgie touche très majoritairement des femmes. Ce simple fait suffit, trop souvent, à en brouiller la légitimité.
Depuis l’hystérie du XIXᵉ siècle jusqu’aux “troubles psychosomatiques” du XXIᵉ, la douleur féminine a toujours été renvoyée au domaine de l’émotion, du psychisme, de l’exagération.
Sabine, comme tant d’autres, vit dans ce soupçon.
Non pas celui d’inventer sa maladie, mais de mal se comporter face à elle : d’en parler trop, de ne pas la “gérer”, de ne pas être “résiliente”.
Le corps féminin reste un territoire où la science hésite, où le patriarcat médical s’invite encore trop souvent sous la blouse blanche.
💊 Les oubliés du soin
La fibromyalgie met en lumière un autre angle mort : celui d’un système de santé épuisé, formaté pour les maladies qui se mesurent, non pour celles qui se racontent.
Le parcours de soins devient un labyrinthe : rhumatologues, neurologues, psychiatres, centres antidouleur… chacun se renvoie le patient, personne ne le prend en charge durablement.
Les médicaments se succèdent : antidépresseurs, antalgiques, parfois même des opioïdes. Rien n’apaise vraiment. Et quand la douleur persiste, c’est la confiance qui s’effrite : celle du patient envers le médecin, celle du médecin envers son patient.
La conséquence est terrible : l’abandon.
Une douleur que personne n’écoute devient une double peine — physique et morale.
🕯️ Vivre malgré l’invisible
À Aurillac, dans un appartement du vieux centre, Sabine vit entourée de ses chats. Ils lui offrent une présence silencieuse, une forme de tendresse simple, presque animale, que la médecine ne sait plus donner.
Elle n’est ni militante ni résignée : simplement vivante, obstinée à exister malgré la douleur.
La fibromyalgie n’a pas besoin de compassion : elle a besoin de reconnaissance, de recherche, de politiques publiques.
Elle dit quelque chose de notre époque : une société qui mesure tout, mais n’écoute plus rien. Une médecine qui soigne les organes, mais peine à soigner les êtres.
⚖️ Le droit à la douleur reconnue
Reconnaître la fibromyalgie, ce n’est pas céder à la “mode” des maladies invisibles.
C’est un acte politique.
C’est admettre que le savoir médical n’est pas total, que la science ne peut pas tout, et que l’humanité ne commence pas là où finit la preuve.
Tant que la douleur devra se justifier pour exister, la médecine aura failli à sa mission première : comprendre pour soulager.
Sabine, à Aurillac, en est le rappel silencieux — celui que la souffrance, même invisible, mérite qu’on la regarde en face.
🕊️ Ce billet est dédié à Sabine, et à toutes celles et ceux dont la douleur reste sans témoin.