Par Amos de Tekoa, correspondant dans le Cantal
Publié sur Mediapart – Billet libre
🕰️ Un héritage venu du Moyen Âge
Sur les hauteurs de Mauriac, le Puy Saint-Mary veille sur la vallée comme un sanctuaire d’histoire. On y raconte qu’un édit royal de Louis XI, daté de 1472, aurait fondé la première foire « royale ».
Mais la réalité est plus ancienne : dès le Moyen Âge, des pèlerins montaient déjà jusqu’à la chapelle pour prier, échanger, commercer.
👉 La foire est née de cette ferveur : un marché populaire adossé à la foi, un rendez-vous où la spiritualité côtoyait le besoin de vivre.
🐂 Des prières aux affaires : la foire des paysans
Durant des siècles, la Saint-Mary fut le poumon économique du nord Cantal. Les fermiers s’y louaient pour la saison, les éleveurs y vendaient chevaux et bétail, et les colporteurs en profitaient pour écouler leurs marchandises.
Les récits anciens évoquent des files de charrettes, des cris de marché, le cliquetis des fers à cheval sur les pavés de la ville.
C’était une économie de proximité, rude mais vivante, où le lien social valait autant que l’échange monétaire.
🍒 Cerises et chevaux : la tradition vivante
De nos jours, la Foire de la Saint-Mary continue de battre le cœur du mois de juin.
Sur les places, les étals de cerises empourprent les nappes blanches, pendant qu’au sommet du Puy Saint-Mary, les chevaux de trait du Cantal sont ferrés à la main, sous l’œil des connaisseurs.
Deux symboles dominent :
🍒 la cerise, douceur et convivialité, fruit du pays ;
🐴 le cheval, force et noblesse du travail rural.
Les visiteurs flânent, les enfants montent à poney, les anciens échangent des souvenirs. Des navettes municipales relient les deux sites : la foire est devenue un parcours patrimonial à part entière.
📸 Ruralité sous vitrine : authenticité ou marketing ?
Depuis quelques années, la foire s’habille de modernité : stands forains, voitures anciennes, animations médiatiques. On y croise parfois des figures de la télévision agricole, voire des invités de L’Amour est dans le pré.
🧐 Pour la mairie, c’est une vitrine du territoire ; pour certains habitants, une dérive folklorique.
« Avant, on venait pour vendre ou se louer. Maintenant, c’est pour faire des selfies », souffle un agriculteur retraité.
Cette tension résume tout : comment faire vivre la tradition sans la trahir ?
La foire doit séduire sans se vendre, évoluer sans se renier.
🌾 Mémoire et transmission
La Saint-Mary, c’est aussi une mémoire collective. Les Mauriacois y retrouvent leurs racines, leurs gestes, leurs histoires.
Chaque génération y ramène quelque chose : une recette, un souvenir, une bête, un sourire.
Mais la transmission devient fragile : les savoir-faire du ferrage, les races locales, la culture du fruit sont menacés par la désertification rurale.
Là où jadis on parlait d’avenir, on parle aujourd’hui de sauvegarde.
✊ Saint-Mary, miroir d’un monde rural en résistance
La Foire de la Saint-Mary n’est pas qu’une fête.
C’est un acte de résistance silencieux.
Résistance à l’oubli, à la marginalisation des campagnes, à la disparition des traditions rurales.
Mauriac, à travers sa foire, affirme encore son identité : celle d’un pays qui refuse de disparaître, d’une communauté qui dit haut et fort –
« Nous sommes toujours là ».
🧭 En résumé
De la ferveur médiévale au folklore contemporain, la Foire de la Saint-Mary incarne huit siècles de ruralité vivante, de solidarité, et de résilience.
Entre foi, travail et fête, Mauriac continue d’y battre son cœur — lentement, fièrement, obstinément. 💚
(Photos : archives municipales de Mauriac, Office de tourisme du Pays d’Aurillac, DR)