Amos de Tekoa (avatar)

Amos de Tekoa

Correspondant dans le Cantal

Abonné·e de Mediapart

17 Billets

0 Édition

Billet de blog 11 octobre 2025

Amos de Tekoa (avatar)

Amos de Tekoa

Correspondant dans le Cantal

Abonné·e de Mediapart

Irina — le parfum du souvenir

Amos de Tekoa (avatar)

Amos de Tekoa

Correspondant dans le Cantal

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Par Amos de Tekoa, correspondant dans le Cantal
Publié sur Mediapart – Billet libre

🚆 Le voyage d’un jeune homme

Il y a des souvenirs qui ne s’effacent jamais, même quand le temps a tout recouvert de silence.
Le mien date de 1999.
J’avais dix-huit ans, et mes parents m’avaient emmené découvrir la RussieMoscou, Saint-Pétersbourg, et cette atmosphère si singulière, entre grandeur et mélancolie.
Je ne savais pas encore que ce voyage me marquerait à vie.

Je me souviens du métro moscovite, de ses stations somptueuses, propres comme des palais souterrains.
Je me souviens du froid vif, du croiseur Aurora sur la Néva, et surtout de ce train de nuit reliant Moscou à Saint-Pétersbourg.
Un long serpent d’acier, bercé par le cliquetis régulier des rails, et réchauffé par le souffle discret d’un samovar d’eau chaude, toujours prêt à offrir du thé fumant à toute heure. 🍵


👩‍✈️ La provodnitsa

C’est dans ce train que j’ai rencontré Irina.
Elle était provodnitsa — l’une de ces dames du train, présentes à chaque instant, veillant sur les passagers comme des gardiennes bienveillantes.
Au début, elle paraissait sévère : le ton ferme, le regard droit, presque froid.
Mais peu à peu, le silence s’est fissuré.
Elle parlait anglais, ce qui était rare à l’époque, et nous avons commencé à échanger — quelques mots hésitants, quelques sourires timides.

Sous son uniforme bleu, je découvrais une chaleur humaine discrète, inattendue.
Je crois qu’elle avait 25 ou 30 ans.
Et moi, jeune homme élevé dans une famille, avec le respect et la retenue comme valeurs premières, je ne savais pas trop comment vivre ce moment.
Au moment du départ, nous avons échangé nos adresses.
C’était peut-être interdit, ou simplement un geste sincère, fait sans calcul, à une époque où la lenteur avait encore du sens. ✉️


🎁 Une lettre, un parfum

Quelques semaines plus tard, je lui ai envoyé un colis de Noël 🎄, rempli de produits auvergnats — un petit bout de ma terre natale envoyé à des milliers de kilomètres.
Et, contre toute attente, Irina m’a répondu.

Sa lettre était simple, douce, empreinte de gratitude.
Mais à la fin, elle m’écrivait que sa famille la questionnait, qu’ils ne comprenaient pas cette correspondance.
C’était son dernier message.

Je l’ai toujours.
Elle est rangée dans une petite boîte Tupperware, protégée du temps.
Sur le papier, il y a encore la trace de ses lèvres, et une touche de parfum — une odeur légère de fleurs, semblable au muguet. 🌼
Parfois, je regarde cette lettre à travers le couvercle blanc, sans l’ouvrir.
Je la laisse reposer là, comme un fragment de vie, intact.


💭 Ce qui reste

Aujourd’hui, plus de vingt-cinq ans plus tard, quand je repense à Irina, je ne ressens ni regret ni tristesse.
Seulement de la nostalgie, et une immense tendresse.
Parce que certaines rencontres ne sont pas faites pour durer, mais pour marquer le cœur d’une empreinte douce.
Et quelque part, au fond de moi, je sais que, même si nos chemins se sont perdus, nos regards se souviennent encore. 🌙


✒️ Postface

J’ai longtemps hésité avant d’écrire cette histoire.
Mais peut-être que le rôle de l’écriture, c’est justement de sauver ces instants qui, sans elle, disparaîtraient.
Irina n’est peut-être plus qu’un souvenir,
mais un souvenir vivant, fragile, et infiniment humain.


👤 À propos de l’auteur

✍️ Amos de Tekoa écrit sur le patrimoine, la santé et la mémoire du temps.
À travers ses textes, il explore la nostalgie, la résilience et le pouvoir des souvenirs à façonner nos vies.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.