Ils m’ont recousu la langue avec du barbelé
(— l’antisémitisme n’est pas l’antisionisme — mais qui écoute les mots qu’on fait hurler dans les crânes ?)
On m’a dit TAIS-TOI,
quand j’ai hurlé sous les bombes de Rafah,
on m’a dit ANTISÉMITE,
quand j’ai pleuré pour les enfants au phosphore blanc.
On m’a dit VOUS ÊTES LA HAINE
alors que je cherchais juste une vérité sans drapeau.
Moi je crache sur la confusion.
Je déterre les mots qu’on a mis en prison.
Antisémitisme, c’est un cancer dans les gorges de l’Europe,
un vieux souffle pourri,
c’est une église, c’est Drumont,
c’est les camps,
les pogroms,
les fumées de Treblinka
et les silences français.
Mais aujourd’hui
on fabrique un piège à rats avec ce mot.
On y jette ceux qui refusent l’occupation,
les profs qui signent des tribunes,
les députés qui parlent d’apartheid.
On les enduit de ce goudron infâme
qui ne colle même plus aux vrais salauds.
Antisionisme, dis-je ?
C’est le droit de crier
qu’un État ne représente pas un peuple.
Que Netanyahou n’est pas Moïse.
Que les chars dans les ruelles de Jénine
ne parlent pas au nom des morts d’Auschwitz.
Nous n'avons jamais chanté la haine,
mais on nous traîne comme un chien dans les studios,
pendant que Zemmour, lui,
raciste condamné,
réécrit l’Histoire dans les salons dorés.
Et personne ne tousse.
JE TOUSSE.
JE HURLE.
JE M’ARRACHE LA LANGUE S’IL LE FAUT,
pour ne pas laisser l’injustice jouir dans la confusion.
Qu’on me crie dessus encore,
qu’on m’insulte,
qu’on me brûle la cervelle :
je ne confondrai jamais une étoile cousue de force
avec une armée qui bombarde au nom du passé.
Je suis celui qui dit NON,
avec des clous dans la bouche,
NON
à l’antisémitisme,
NON
à l’occupation,
NON
à la confusion où pourrissent les luttes.
Car si les mots sont des bêtes,
il faut savoir les faire hurler
— mais jamais les trahir.
Ils nous mordront un jour où l'autre...