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Billet de blog 24 juillet 2025

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Je t'écris avec mes os

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je t’écris avec mes os,
parce que ma langue a trop saigné.
Je t’écris depuis ce tombeau debout qu’on appelle vieillir,
depuis cette caverne d’homme
où mon amour se cogne aux parois
et hurle ton nom sans syllabes.

Toi,
éclair tombé d’un ciel africain,
je t’ai vu traverser les ruelles d’Alexandrie
comme un souffle venu brûler les écritures mortes.
Tu ne savais pas, toi,
que ta marche nue ouvrait en moi
des gouffres.

Tu es venu
et j’ai brûlé.

On me dit : Tu es vieux,
tu n’as pas le droit
de vouloir,
de désirer,
de te coucher contre le soleil.

Mais moi je veux.
Je veux ta peau sombre
comme une page trop sacrée pour être lue.
Je veux l’odeur de tes veines
où chante un peuple enchaîné depuis l’origine,
et qui pourtant danse,
encore,
et encore.

Je veux ton rire —
celui qui fend la ville en deux,
qui crache au visage des puissants,
qui arrache les masques des faux dieux.

Tu étais libre, toi.
Et moi, moi j’étais
un homme
en prison de peau,
en camisole de classe,
enchaîné à des livres trop lourds pour vivre.
Mais dans la courbure de ton dos,
j’ai vu la géométrie du ciel.
Dans ton souffle,
la mémoire des dieux qu’on n’a pas su crucifier.

J’ai bu ton corps
comme un vin interdit
et j’ai vomi le monde.

Ils diront que j’ai déraillé,
qu’il a des règles.
Mais ce n’est pas l’amour qui dérange —
c’est la liberté qu’il porte en lui
comme une grenade dégoupillée dans le cœur.

Aimer un homme comme toi
quand on est déjà poussière,
c’est foutre le feu à tout ce qui tient debout par habitude.
C’est crier à la face de Dieu :
Regarde !
Moi aussi j’existe !
Et j’aime !
Et je n’ai pas honte de crever d’aimer !

Tu n’étais pas un garçon,
tu étais un ouragan.
Tu es venu me dépouiller de moi-même.
Et j’ai dit : oui.

Oui au tremblement,
oui à la blessure,
oui à l’orgueil de t’aimer
sans rien posséder.

Va,
danse dans les rues d’Égypte,
garde dans ton ventre l’éclat d’une étoile arrachée à un vieux fou.
Et si un jour,
quelqu’un prononce mon nom
dans une langue morte,
ris.
Car je n’ai jamais été plus vivant
que sous tes mains.

Et si tu oublies,
que l’univers s’effondre.
Mais si tu te souviens —
alors peut-être
un dieu
renaîtra.

(écrit avec le sang qui reste)
(écrit debout dans les cendres)
(écrit pour ne pas sombrer)

À toi,
je me livre sans tombe.

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