charnier-sommeil
bouche sans palais
yeux sans paupière
la ville mâche ses morts en boucle
et le cri ne sort pas
il gît entre dents et gorge gorgé/ gorge-dehors
pas de mot.
que des bruits.
plof des bébés —
clac des claviers des ministres —
rac des murs qui s'écorchent
gazaaa gazaaa gazaaAaaaAAaaa
pas un nom —
une torsion de l’air,
une morsure du ciel,
un ventre qui n’a plus de dedans
corps dessous corps dessous dieu dessous béton dessous
UNRWA-silence
ONU = 0 + U + trou
le monde mange.
mâche.
regarde en travers de ses propres lunettes
et dit :
paix.
avec un cure-dent dans le cœur
— et toi, dieu ?
où ?
dans quel missile errant ton regard s’est-il planqué ?
dans quelle prière sponsorisée ton souffle se dissipe-t-il ?
où ?
où ?
oûûûûûûû ?
j’invoque pas.
j’appelle pas.
je dévore le nom du silence.
je suis celui qui gueule
à même les nerfs
sans peau syntaxique
sans majuscule
avec des ongles à la place de la langue
**
ceci n’est pas un poème.
c’est une déflagration d’organes
ceci n’est pas un appel.
c’est un hurlement d’après-langue
ceci n’est pas Gaza.
c’est ce qu’il reste
quand le verbe a été pulvérisé.
**
et ceux qui regardent —
avec la politesse bien peignée
avec les mots propres
avec les bulletins à cocher
avec les « oui mais » dans le ventre
qu’ils sachent :
la mémoire hurle dans un dialecte qu’ils ne parlent pas
mais qui, un jour, viendra leur mâcher le visage
avec les dents noires des enfants morts.