« Rendez à César ce qui est à César » ?
Mais César a tout pris.
Il n’a rien laissé.
Ni la terre, ni l’eau, ni la langue, ni la paix.
Il avale les corps, rature les mots, repeint la servitude aux couleurs du droit.
Sous sa toge — du sang. Sous sa loi — l’ordre du silence.
Et le Nazaréen, cloué par l’Empire, n’a pas dit « obéis ».
Il a répondu par une pièce : « Donne-lui son or, pas ton âme. »
Parce que l’âme ne s’achète pas.
Elle résiste.
Elle marche, nue et droite, dans les temples du pouvoir,
et renverse les tables.
Que reste-t-il à l’homme ?
Son souffle.
Sa parole.
Et ce refus inflexible d’être plié.
Il n’est plus temps de parlementer.
L’Histoire a déjà parlé :
Rome est un cimetière d’hommes morts d’avoir obéi.
Mais César continue, masqué, multiplié, diffus.
Il s’est glissé dans les normes, les lois, les rites.
Il veut des peuples lisses, des foules à genoux, des enfants muets.
Alors il faut parler.
Il faut réveiller.
Non pour détruire, mais pour arracher les masques.
La Déclaration de 1789 n’a pas été écrite en paix,
elle fut gravée dans la colère, et son cri demeure :
« Les hommes naissent libres et égaux. »
Mais ces mots, César les ronge. Il les lime. Il les digère.
Il les retourne pour en faire des slogans.
Rousseau disait : « Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître. »
Alors il faut cesser de jouer le rôle de l’esclave.
Les trônes ne tombent pas par miracle.
Ils s’effondrent quand on les délaisse.
Et les véritables rois n’ont ni sceptre ni couronne :
ils avancent pieds nus, mais la tête haute.
Robespierre savait que la liberté commence dans l’instruction,
mais César préfère l’oubli,
l’amnésie organisée,
la culture servile,
l’éducation sans conscience.
Alors il faut rallumer les mots, les rendre tranchants comme à l’origine.
Marx et Engels l’ont dit :
l’Histoire est faite de luttes.
Pas de lamentations.
Et l’heure n’est plus au confort des demi-vérités.
Il faut briser les évidences
comme on fend un mur pour voir le ciel.
Et le Nazaréen ?
Il n’a jamais demandé qu’on adore les puissants.
Il les a bousculés.
Il a chassé les marchands,
déconstruit les idoles,
et dit :
« Je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. »
L’épée — non pour tuer,
mais pour trancher l’illusion.
Alors que reste-t-il ?
Notre souffle,
notre voix,
et cette insoumission qui ne s’enseigne pas mais qui brûle.
De la Bastille à la Commune,
des révolutions d’hier aux réveils d’aujourd’hui,
la réponse à l’oppression n’a jamais été la soumission.
C’est un cri.
Un refus.
Un feu debout.
La Boétie l’avait vu :
« Les grands ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. »
Il ne s’agit pas d’attaquer,
mais de se lever.
Et quand nous nous levons,
César tombe.
Pas sous les coups,
mais sous le poids de sa propre imposture.
Il n’y a pas de justice sans éveil.
Il n’y a pas de liberté sans lucidité.
Et là où César sème la peur,
il faut semer des voix.
Des voix fortes, libres, désobéissantes.
Et que, des cendres de ses palais,
naisse enfin l’homme libre,
non par décret,
mais par vérité retrouvée.