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Billet de blog 8 mai 2023

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A. Quatennens : l’énième justification pour demander légitimement sa démission.

La réadmission d'Adrien Quatennens au groupe France insoumise est incompréhensible et inacceptable de la part de ceux qui croyaient que ce parti luttait contre les violences sexistes et sexuelles. A l'heure où la convergence des luttes est fondamentale, je réaffirme ma demande : ""mon"" député ne nous représente plus, il doit démissionner.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le député Adrien Quatennens s’est reconnu coupable de violences conjugales. Cette culpabilité, ainsi que la reconnaissance de ces faits par la justice lui a valu une exclusion temporaire de 4 mois, soit l’équivalent de son sursis prononcé par le Tribunal.

Cependant, cette reconnaissance de culpabilité ne l’a pas amené à démissionner, et il a d’ailleurs été réadmis au groupe France insoumise. Le retrait n’était d’ailleurs que fictif, puisqu’il a été présent à plusieurs reprises en manifestations, très près de la France insoumise.

La reconnaissance, par lui-même et par la justice de violences conjugales aurait dû être une justification valable pour démissionner, cependant ça n’a pas été le cas.

La gestion de la France insoumise est incompréhensible. En effet, la France insoumise a su réagir rapidement pour Taha Bouhafs. Pourquoi cette exclusion ne s’est pas appliquée à Adrien Quatennens ? Option 1 : il s’agissait une personne racisée qui ne bénéficie pas du privilège blanc. Option 2 : il y a une classification dans les violences, faisant passer les accusations de viols avant les violences conjugales. Option 3 : Taha Bouhafs n’était pas assez ami avec les responsables de la France insoumise. Je pense que toutes ces possibilités expliquent sa réadmission, mais aucune n’est une justification légitime.

Cette incompréhension se transforme en colère qui entretiendra notre combat, jusqu’à la démission de ce député. Il n’est pas possible de passer à autre chose, c’est trop important.

En effet, 4 mois ne suffisent pas à oublier que ce député est auteur de violences conjugales. Qui va porter la lutte des violences sexistes et sexuelles jusqu’à l’hémicycle ? Allons-nous réellement demander à « notre » député, auteur de violences conjugales, de défendre des propositions qui corrigeront les problèmes structurels qui entourent les violences sexistes et sexuelles ? Comment libérer la parole lorsqu’un agresseur est celui qui porte notre voix ? 

Il s’agit aujourd’hui de crédibilité face aux combats que la France insoumise prétend mener. Il s’agit de respect pour les victimes de violences conjugales, et plus largement de violences sexistes et sexuelles. 

Si ça avait été pour des raisons économiques (compte en Suisse, emplois fictifs…) aurait-il eu la même faveur ? Si oui, vous allez le protéger quoi qu’il arrive ? Si non, le féminisme est une lutte de second rang ?

Les menaces, intimidations et fichages viennent confirmer l’impératif de lutte pour faire cesser cette protection inconditionnelle de cet agresseur. Qui est cet homme pour qu’il soit protégé à ce point avec des techniques d’extrême droite, au dépend des militants qui ont contribué à la forte popularité de la France insoumise ? 

A l’heure où la convergence des luttes est urgente - accélérée par la montée du fascisme, du néo-libéralisme et de la destruction à grande échelle de notre modèle social -, un auteur de violences conjugales ne peut pas porter ces luttes. Cette convergence des luttes intègre le féminisme, qui est aujourd’hui oublié par la France insoumise. La réadmission d’Adrien Quatennens fausse la convergence des luttes qui se construit  pourtant au sein du milieu militant. Les personnes qui soutiennent Adrien Quatennens tentent de renverser la culpabilité. Malheureusement, on ne me fera jamais croire que la culpabilité et la honte reviennent aux féministes qui dénoncent les violences ; la culpabilité et la honte reviennent à l’agresseur.

Vous reprochez - à juste titre - que Macron ne nous écoute pas. Alors pourquoi vous ne nous écoutez pas non plus ? On ne veut plus qu’Adrien Quatennens nous représente. La réadmission d’Adrien Quatennens c’est comme les réformes des retraites : on a dit non.

Plusieurs arguments de la part des personnes qui soutiennent Adrien Quatennens reviennent régulièrement. J’y réponds ici mais je n’y répondrai plus. 

L’argument « vous desservez la cause » : laquelle ? La vôtre qui défend un agresseur ? Oui. La nôtre qui porte la voix des victimes de violences ? Non.

L’argument « c’est sa vie privée » : (i) oui à la vie privée d’une personne publique, non lorsqu’il s’agit d’un sujet de société. (ii) c’est Quatennens lui-même qui a porté ça sur la sphère publique. (iii) il ne s’agit pas de vie privée mais de valeurs : un auteur de violences conjugales ne peut porter la lutte des violences sexistes et sexuelles à l’hémicycle. 

L’argument « c’est pas le moment là » : (i) le féminisme n’est pas une lutte de second rang ; (ii) dans un moment comme ça, il y a une convergence des luttes nécessaire, le féminisme ne peut être oublié ; (iii) c’est pas nous qui avons choisi le moment, c’est l’auteur de violences lui-même.

J’apporte mon soutien au corps militant dissident, celui qui s’est fortement impliqué pour que la France insoumise soit au deuxième tour de l’élection présidentielle, celui qui a permis à Adrien Quatennens d’être élu quasiment dès le premier tour, celui qui se voit aujourd’hui méprisé, muselé pour dénoncer des violences qui ont elles-mêmes été inscrites dans le programme France insoumise comme celles qu’il faut combattre. 

Adrien Quatennens ne nous représente plus, nous les femmes, nous les victimes de violences conjugales, nous les victimes de violences, nous les personnes qui soutenons ces victimes. 

Tout comme on s’est battues pour Darminin, Abad, Bayou, Peyrat, je le réaffirme : auteurs de violences hors de notre vie politique. 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.