En trente ans, près de trente lois antiterroristes ont été adoptées par l’État français. Elles comportaient toutes un arsenal répressif croissant largement suffisant, et même excessif, pour mener des opérations sécuritaires contre les potentiels terroristes. Par conséquent, toutes les autorisations liberticides qui accompagnent l'état d'urgence depuis le 13 novembre 2015, et qui sont justifiées par lui, sont tout bonnement inutiles : les opérations judiciaires qui ont été mises en œuvre à la suite des attentats étaient tout à fait possibles dans le cadre des lois déjà en vigueur.
A l'évidence, l'état d'urgence sert à tout autre chose qu'à la lutte contre le terrorisme. Plus de 3000 perquisitions en deux mois, près d'un millier d'assignations à résidence, près d'un millier de gardes à vue, des centaines d'interdiction de manifester : pour obtenir quoi ? Quatre enquêtes et quelques kilos de haschich...
Des maraîchers bio perquisitionnés ; des militants progressistes empêchés de tracter ; une centaine de familles laissées sans logement après une opération policière ; des squats, des cinémas, des salles de prière perquisitionnés ; des enfants fouillés et traumatisés ; des travailleurs étrangers expulsés ; une femme de 72 ans, soucieuse de la préservation de l'écosystème de son village : étouffée, maltraitée par la police ; des citoyens alertant sur la supercherie de la COP21, s'activant dans l'intérêt général pour un monde plus écologique : gardés à vue puis assignés à résidence ; des femmes noires et/ou musulmanes : interpellées puis frappées par la police ; un professeur qui dénonce le racisme avéré du Premier Ministre : suspendu de ses fonctions et jugé pour provocation à la haine raciale ; des syndicalistes qui défendent leur salaire : condamnés à la prison ; un homme pris d'une crise d'angoisse : abattu de cinq balles par la police ; et une France qui prévient qu'elle risque d'enfreindre les droits de l'Homme, et la liste est longue... Il suffit de consulter l'accablant et interminable recensement collaboratif, initié par la Quadrature du Net, pour prendre la mesure de la psychose générale dans laquelle ce gouvernement tente de faire basculer la société, faisant des populations musulmanes des cibles persécutées.
Voilà la fonction réelle de l'état d'urgence : se donner tous les moyens légaux pour réprimer la contestation sociale, empêcher toute résistance populaire aux projets réactionnaires, conservateurs et capitalistes de ce gouvernement, étouffer la démocratie pour mieux casser les acquis sociaux avec la loi El Khomri, pour mieux augmenter les profits des propriétaires avec la loi Macron, le tout en instaurant un régime de surveillance généralisée avec les lois Cazeneuve.
Face à l'état d'urgence – pour se soustraire à une justice indépendante –, à la déchéance de nationalité – pour s'en prendre arbitrairement à des minorités et éviter de prendre ses responsabilités en terme de politique intérieure –, à la répression de masse – pour faire taire les oppositions –, à l'emprisonnement de syndicalistes – pour mater toute résistance au Capital –, au démantèlement de la jungle de Calais – pour effacer toute trace de leur politique impérialiste –, il est absolument vital que nous prenions conscience de la dérive de cet État : nous sommes en train de basculer vers un autoritarisme. Avec cet état d'urgence prolongé et reprolongé indéfiniment – jusqu'à ce que Daech soit exterminé nous dit monsieur Valls, c'est-à-dire jamais si on ne change rien – c'est un État d'exception permanent qui s'installe sous nos yeux, un régime militaire et policier où chacun-chacune d'entre nous est sous le coup d'une privation de liberté, au mépris de l’État de droit et pour la satisfaction des caprices d'une poignée de réactionnaires convertis à l'idéologie du choc des civilisations.
Il est évident que ce n'est pas par des bombardements et le musellement des citoyens qu'on mettra fin au terrorisme ; ce n'est pas par la terreur qu'on combat la terreur : chaque bombe qui tue des civils alimente le ressentiment des populations, génère de nouveaux djihadistes, renforce Daech. Arrêter les bombardements, soutenir les peuples kurde et syrien qui mènent une lutte historique, assécher les sources financières de Daech, s'efforcer de régler politiquement le conflit israélo-palestinien par une volonté internationale d'en finir avec le colonialisme israélien : voilà une lutte véritable contre le terrorisme.
Il est également évident que c'est la misère qui, pour une grande part, engendre ce terrorisme. La plupart des terroristes qui ont sévi sur le sol français, de Merah à Coulibaly, en passant par les frères Kouachi et Abdeslam, proviennent de quartiers pauvres, désertés par les pouvoirs publics, où les subventions destinées aux associations, moyen pourtant efficace de dynamisme social, sont en chute libre depuis trente ans. S'attaquer au néolibéralisme de ce gouvernement, à la religion capitaliste, réclamer l'augmentation des cotisations sociales, donner l'accès au salaire à tous les habitants des quartiers populaires, lutter contre les profits : voilà encore une lutte véritable contre le terrorisme.
Les amis, nous devrons être unis et toujours plus nombreux dans la rue, dès le 17 mars prochain, à nouveau contre la loi Travail : il n'est plus possible de rester indifférent devant ce désastre. Pour nos libertés, l'amélioration de nos conditions de vie, pour mettre un frein à l'ascension du Front National, nous devrons faire céder ce gouvernement : et nous le pouvons !
Billet de blog 13 mars 2016
Etat d'urgence : discours contre ce gouvernement
Mon intervention du 12 mars 2016, lors d'un rassemblement pour défendre nos libertés, dire non à l'état d'exception permanent, non à la déchéance de nationalité, et réclamer la levée de l'état d'urgence.
Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.