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Billet de blog 12 août 2025

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Alaska ou Munich 2.0 — Pas une paix : un marché de prédateurs

Sommet Alaska Trump–Poutine : sous couvert de cessez-le-feu et de « land swaps », on marchande des frontières sur le dos des Ukrainiens. Une paix-marché qui rappelle Munich : valider l’agression, fragiliser le droit international, préparer la prochaine guerre. Europe sommée de trancher : rien sur l’Ukraine sans l’Ukraine.

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Par la rédaction insurgée

Ce vendredi, l’axe néoréactionnaire bourgeois, USA–Russie, se réunira en Alaska ; c’est en effet la température convenue pour l’horreur qui va s’abattre contre le peuple ukrainien. La conférence de Munich version 2025 qui s’annonce est une terrible défaite pour la sociale-démocratie bourgeoise européenne, mais l’oppression, elle, sera subie par les masses populaires comme à chaque fois. C’est bien la peur et la torpeur face à l’autocrate russe qui nous plongent dans cette situation de pré-conflit mondial. On retiendra ainsi que la diplomatie internationale avait le choix entre la guerre et le déshonneur et qu’elle a choisi le déshonneur, et aura la guerre à terme, car il est évident que les revendications impérialistes du néo-tsar ne s’arrêteront pas ici.

Contexte immédiat. Trump assume publiquement des « land swaps » (échanges de territoires) dans un éventuel accord, à la veille du sommet d’Alaska ; il présente la rencontre comme un « feel-out meeting » — un test de volonté. Kyiv n’est pas invitée à la première séquence. (Reuters, AP News)

Il ne s’agit pas d’une simple guerre ou « opération spéciale » comme la propagande étrangère l’affirme, mais bien d’une guerre impérialiste visant une redistribution de l’Ukraine au profit des puissances néoréactionnaires ; c’est bien le sommet de la chaîne de valeur qui vient se servir comme bon lui semble devant les yeux médusés de libéraux européens incapables et dilettantes. Ce sont bien les principes d’annexion, de protectorat de fait, ou de régime client qui sont à l’œuvre. L’ensemble du complexe militaro-industriel russe est en économie de guerre, non sans rappeler l’Allemagne de 38 pré-invasion polonaise ; la Russie veut s’accaparer le territoire, les ressources, et le peuple ukrainien, de toute évidence — ça fleure bon « l’espace vital ».

Faits saillants. La Russie contrôle environ un cinquième du territoire ukrainien et pousse à faire reconnaître l’intégralité des 4 oblasts annexés (Donetsk, Luhansk, Zaporijjia, Kherson) comme « acquis » avant tout accord — une exigence que l’ISW qualifie de pression informationnelle et non d’inévitable. (The Washington Post, Institute for the Study of War)

L’ensemble des dépenses militaires mondiales explose : 2 718 Mds $ en 2024 (+9,4 %, plus forte hausse depuis 1988). L’Europe (Russie incluse) bondit de +17 %. (SIPRI)

L’Europe est en surrégime : l’Ukraine y consacre environ 34 % du PIB (charge la plus lourde au monde selon les agrégats disponibles). (SIPRI)


Le Top 100 des entreprises d’armement enregistre des revenus record à 632 Mds $ en 2023 (+4,2 %). (SIPRI)


Côté vie chère, l’inflation de la zone euro est 2,0 % (juillet 2025, estimation flash), après le choc énergie de 2022. (European Commission)

C’est ainsi que se met en place le narratif de façade de la conférence de paix et du cessez-le-feu : le seul feu qui va cesser, c’est celui de la résistance ukrainienne, exclue d’office par des néoréactionnaires, petit-four américains, contrariés de ne pas se coucher avec l’aval du monde dans la soie russe.

Ne vous y trompez pas, un seul objectif : stabiliser les profits, pas la paix ; la paix ne viendra que des peuples qui se libèrent, pas de ces affreux capitalistes qui se goinfrent sur le dos d’un otage géopolitique à Kiev.

L’annonce effarante outre-Atlantique d’une volonté de « land-swap », comme on échange des cartes Pokémon à la cour de récréation. Le prochain prix Nobel ira à Trump ou Poutine, qui sait ; dans les deux cas, les deux dorment dans le lit du néoréactionnariat. (Reuters)

Et l’Europe, théâtre de deux guerres mondiales, elle-même impérialiste, qui voudrait que l’Ukraine, seule et affaiblie, se rende à la conférence de paix pour s’auto-gérer : bel exemple de non-alignement de façade ; l’alignement est là et l’Europe ne se battra pas pour le droit universel des peuples à disposer d’eux-mêmes, trop effrayée des dirigeants russes.


Une tentative de ligne rouge — « Rien sur l’Ukraine sans l’Ukraine » — s’est toutefois matérialisée : 26 dirigeants de l’UE sur 27 (sauf la Hongrie) exigent que toute négociation n’intervienne que sous cessez-le-feu / réduction des hostilités et avec la participation de Kyiv. (Reuters)

C’est bien un trophée que l’on va donner au Kremlin ; les parades militaires pour fêter la victoire auront un goût amer, on observera quel traître aura la lâcheté de s’y rendre.

Rappel utile. L’idée d’une DMZ et d’« échanges de territoires » est évoquée côté américain ; Kyiv refuse tout « terre contre paix ». (Reuters)

Sans fétichisme aucun, le parallèle avec la conférence de Munich est effarant : les faibles croient acheter la paix de l’agresseur, de peur de faire vaciller les marchés et au détriment des peuples. La cession des Sudètes à l’Allemagne nazie, avec l’exclusion de la Tchécoslovaquie, a préparé la catastrophe. (Encyclopedia Britannica)

La Société des Nations de l’époque n’a rien pu faire ; l’ONU aujourd’hui — Charte, art. 2(4) — prohibe l’acquisition de territoire par la force, principe réaffirmé par les résolutions ES-11 de l’Assemblée générale sur l’Ukraine. (Nations Unies, Docs de l'ONU)

L’histoire se ressemble, et tous les yeux vont se tourner vers la Pologne, la Roumanie, les pays baltes et la Finlande, car l’économie de guerre russe ne peut s’arrêter du jour au lendemain.

Il est important de lister les intérêts en présence pour comprendre que c’est bien le Capital et son armada de bureaucrates petit-four qui donnent le ton à la situation présente.

Washington a besoin d’une purge budgétaire et d’externaliser les coûts de la résistance ukrainienne tout en gardant la main sur l’énergie. Côté profits, ça « tourne » : Shell affiche 4,26 Mds $ d’« adjusted earnings » au T2 2025 (en baisse sur un an, mais au-dessus des attentes). Côté défense, Rheinmetall revendique un carnet de commandes 63,2 Mds € au S1 2025. (Reuters, The Mighty 790 KFGO | KFGO)

Moscou, l’ogre qui se sent en insécurité, a besoin de son corridor stratégique vers la Crimée et de neutraliser l’Ukraine avant de la fantocher ou de l’annexer totalement ; l’exigence d’obtenir tous les territoires revendiqués est répétée par le Kremlin et ses relais. (Institute for the Study of War)

L’Union européenne se contente trop souvent des discours moraux de la sociale-démocratie bourgeoise ; sa déclaration des 26 est nette sur le principe (« rien sans l’Ukraine »), mais les arbitrages budgétaires et sécuritaires pèsent — d’où l’insistance à n’ouvrir des pourparlers qu’en cas de baisse des hostilités. (Reuters)

L’autodétermination réelle ne saurait se faire sous le coup des drones, tirs d’artillerie et autres beautés du monde moderne ; aucune paix durable n’est possible dans un accord de cession de l’Ukraine « à la Moscou ».

C’est l’ONU qu’on assassinerait : la Charte (art. 2(4)) interdit l’acquisition de territoire par la force ; les résolutions ES-11/1 et ES-11/4 réaffirment la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, condamnant les annexions. (Nations Unies, Bibliothèque Numérique)


Les criminels auront des comptes à rendre un jour : la CPI a émis des mandats d’arrêt (mars 2023) contre V. Poutine et M. Lvova-Belova pour déportation d’enfants. (Cour pénale internationale)

À la fin, c’est donc nous qui trinquons, contribuables et travailleurs : inflation persistante (zone euro 2,0 % en juillet 2025), budgets sociaux comprimés, réarmement, tandis que la rente de guerre profite à la même bande de porcs. Le coût de l’énergie, comprimé par la guerre, ostracise le peuple ; les finances publiques européennes voient rouge : pour répondre aux exigences de sécurité, on taille d’abord dans le social. (European Commission)


Armes & énergie : Top 100 à 632 Mds $ (2023) ; Shell T2 à 4,26 Mds $ ; Rheinmetall 63,2 Mds € de backlog. (SIPRI, Reuters, The Mighty 790 KFGO | KFGO)

À celles et ceux qui disent, avec dilettantisme, dans leur bavardage politique, que « c’est ça ou l’escalade » : non — il existe des instances internationales, du multilatéralisme, des cadres onusiens et des contrôles.


La seule réalité à laquelle on veut nous forcer, c’est celle du capital, pas celle des peuples : les 26 disent avec force que l’Ukraine décide de son avenir et qu’aucune « paix » ne peut se négocier sans Kyiv — ni sous le feu. Kyiv, de son côté, rejette toute cession. (Reuters)

La seule issue : un cessez-le-feu vérifiable sous mandat international, un retrait progressif, et échanges de prisonniers — en priorité les enfants que Moscou a kidnappés dans sa politique coloniale et impérialiste.

Une grande conférence de paix impliquant tous les corps sociaux doit avoir lieu ; les surprofits de guerre doivent être saisis pour la reconstruction.

Ordres de grandeur humains. ≈ 6,9 M de réfugiés ukrainiens enregistrés à l’étranger et ≈ 3,7 M de déplacés internes (févr. 2025). (The United Nations in Ukraine)

Chez nous en France, avec grande tristesse, je ne vois aucun front social large, aucune transparence sur les engagements, aucune ligne rouge établie, aucune clause sociale.


Les partis de gauche, aux grands abonnés absents (à l’exception de la FI), sont obsédés par les municipales et la recherche d’un candidat commun du camp de la défaite.

Réveillez-vous : les prochains seront les Polonais, les Baltes, les Roumains, les Finlandais ; à l’aube de la troisième guerre mondiale, il serait temps de chercher autre chose que le maintien de vos privilèges d’élus.

Vous êtes des Daladier, des Chamberlain ; soyez des Churchill, des Reynaud, des Mandel.

Notes rapides / repères chiffrés

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