1 Billets

0 Édition

Billet de blog 17 août 2025

Ancien·nes de Sciences Po Lille, nous soutenons l’accueil inconditionnel des gazaoui·es

Tribune. La décision de désinscrire Nour A. de Sciences Po Lille puis son expulsion au Qatar constitue un précédent grave sans équivalent dans l'histoire de notre institution : nous dénonçons les pressions qui ont mené à cette décision. Au-delà de la reconnaissance de la Palestine, l'urgence est à la reprise et à l'extension des procédures d'accueil des Palestinien·nes.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

  Le 30 juillet 2025, le signalement des retweets de l’étudiante gazaouie Nour A. par un activiste d'extrême-droite a conduit à un véritable emballement institutionnel et médiatique autour du refus de toute forme d’hospitalité à son égard – et à l’égard de l’ensemble des réfugiéEs gazaouiEs. Le jour même, le directeur de l'IEP indiquait s'être rapproché du rectorat et du ministère de l'Enseignement Supérieur pour engager sa désinscription, tandis que le préfet et la rectrice saisissaient le procureur.

 Les propos repartagés par Nour A. sont graves, infamants, antijuifs et antisémites et nous nous devons de ne jamais les banaliser. Devaient-ils pour autant constituer une affaire d'État propre à faire des retweets d'une jeune femme la cause d'un revirement dans la politique d'accueil de toustEs les étudiantEs gazaouiEs ? Justifiaient-ils que la France se dispense de ses obligations internationales d'accueil des réfugiéEs ? Devaient-ils même lui valoir à elle, l'expulsion et la fin d'un espoir d'une vie meilleure après le génocide ? C’est près de deux millions de PalestinienNEs qui sont aujourd’hui en danger à Gaza, menacéEs par la famine, sous le feu d’opérations israéliennes toujours plus invasives, qui par ailleurs sont étendues à la Cisjordanie. Une fois encore, une procédure d'exception vise les PalestinienNEs, et il ne s'agit pas de dispositifs d'accueil spécifiques en raison du génocide mais de dispositifs d'exclusion spécifiques en raison du racisme qu'ilEs subissent. Les procédures d'accueil des étudiantEs gazaouiEs, qui reposent sur la discrétion des ambassades, consécutives à de lourdes démarches doivent davantage être questionnées pour leur élitisme social que pour leur laxisme : conditionnées à des ressources, à un cursus préalable, aux contacts que les étudiantEs auront su nouer avec les établissements français, elles favorisent les élites, à rebours des programmes qui visent "la diversité sociale et la démocratisation des études" qui font la fierté de nos directions successives et en particulier de Sciences Po Lille. 

En réalité, la désinscription de Nour A. et son expulsion ne sont pas fonction de la politique spécifique de Sciences Po Lille, mais de l'alignement de notre école sur les postures réactionnaires du gouvernement. Que des cybermilitants d'extrême-droite interpellent une institution publique, dénoncent le directeur de Sciences Po Lille pour sa solidarité et reçoivent des réponses favorables en cascade du ministre de l'Intérieur, du ministre de l'Enseignement supérieur et du ministère des Affaires étrangères est préoccupant. Ces activistes ne visaient pas seulement à "alerter" des propos d'une étudiante, mais à mettre en cause la solidarité avec les PalestinienNEs en faisant pression sur la direction de Sciences-Po Lille. En l'acceptant, cette dernière s'aligne sur une théorie conspirationniste d'extrême-droite selon laquelle les réfugiéEs gazaouiEs feraient preuve d'un entrisme idéologique. Quel contraste avec le choix de Jean-Louis Thiébault, directeur de l'IEP en 2000, de ne pas déloger les étudiantEs et le comité de défense des sans-papiers qui occupaient les locaux rue de Trévise, et ce, malgré les pressions! 
     
L'indépendance de la justice caractéristique de l'État de droit n'est plus garantie quand les plus hauts fonctionnaires répondent aux interpellations d'activistes racistes : au contraire, sa fragilité démontre un processus de fascisation.  Depuis janvier, nous observons avec inquiétude le gouvernement français répondre favorablement aux polémistes d'extrême-droite et flatter leurs dénonciations : de la polémique sur la prestation d'un humoriste assigné à l'islam reprise par Rachida Dati à l'instrumentalisation médiatique des propos antisémites d'une étudiante gazaouie par les figures les plus répressives du gouvernement pour dénoncer "la propagande du Hamas", le continuum de l'islamophobie d'État va croissante et réactive le consentement au génocide du peuple palestinien.        
Par contraste, le soutien au peuple palestinien et les opérations de boycott ont fait l'objet d'une répression violente, disproportionnée, y compris au sein des IEP dont celui de Lille. Si nous nous félicitons d'être parvenuEs à obtenir la fin des partenariats avec les universités de Tel-Aviv dans plusieurs IEP, nous n'oublions pas la répression "pour l'exemple" de nos condisciples à Sciences-Po Paris. 
       
DiploméEs de sciences politiques, nous ne pouvons ignorer la menace sur l'État de droit que fait peser cette indistinction entre la sphère médiatique, le pouvoir exécutif et les institutions du savoir. Voir notre école céder à son tour devant les pressions à l'extrême-droite, relayer et s'inscrire dans les narratifs racistes qui construisent le consentement au génocide nous révolte. Nous appelons l'ensemble des IEP à s'engager pour l'accueil des étudiantEs palestinienNEs et à mettre en place des programmes spécifiques d'accueil pour ces étudiantEs dont les universités ont été partiellement détruites par une guerre que nous avons laissé se dérouler sous nos yeux. Plus que jamais, nos universités doivent renouer avec leurs valeurs d'ouverture, indissociables de leur vocation pluraliste et contestataire, et s'engager pour l'accueil inconditionnel des oppriméEs.
        


  Signataires :


 Doriane Poulet, promotion 2007
 Clément Barbier, promotion 2010
 Tristan Haute, promotion 2014
 Pablo Vieira, promotion 2015
 Marius Pourquier, promotion 2016
 Anissa Benaissa, promotion 2017
 Anaïs Dudout, promotion 2017
 Rihem Fahem, promotion 2017
 Aurélie Hua, promotion 2017
 Leia Duval-Valachs, promotion 2017
 Paul-Maxime Nave, promotion 2017
 A. Argentier, promotion 2018
 Marie-Lou Arnould, promotion 2018
 Arthur Beauté, promotion 2018
 Laurie Haffas, promotion 2018
 Roxane Bouhier, promotion 2018
 François Chevalier Mabillon, promotion 2018
 Yvain Labrousse, promotion 2018
 Amande Laurent, promotion 2018
 Paul Lefort, promotion 2018
 Louise Marion, promotion 2018
 Caroline Ponceau, promotion 2018
 Audrey Safa, promotion 2018
 Guillaume Théron, promotion 2018
 Mathilde Blottière, promotion 2019
 Elodie Boutitie, promotion 2019
 Adèle Cairey-Remonay, promotion 2019
 Louis Bonnefond, promotion 2019
 Antoine Cordier, promotion 2019
 Pascal Costa, promotion 2019
 Chloé Lebas, promotion 2019
 Geoffrey Noirtault, promotion 2019
 Line Relisieux, promotion 2019
 Aurélien Trachez, promotion 2019
 Juliette Tronchon, promotion 2019
 Jules Trousson, promotion 2019
 Constant Wulstecke, promotion 2019
 Laura Blanck, promotion 2020
 Salomé Bouché Frati, promotion 2020
 Clara Le Guyader, promotion 2020
 Bouchra Masmoudi, promotion 2020
 Aloÿs Bardon, promotion 2021
 Faustine Bourgoin, promotion 2021
 Mona Hassani promotion 2021
 Lou Laude de Francqueville promotion 2021
 Jade Lecoeuche, promotion 2021
 Louise Motte, promotion 2021
 Soizic Paillou, promotion 2021
 Maud Rebibou, promotion 2021
 Clothilde Saunier, promotion 2021
 Lea Schewe, promotion 2021
 Baptiste Vicard, promotion 2021
 Siam Villière, promotion 2021
 François Delafosse, promotion 2022
 Lou Kubiak, promotion 2022
 Noemie Passavant, promotion 2022
 Lucie Tantin, promotion 2022
 Clémence Thirion promotion 2022
 Yara Dampha, promotion 2023
 Niel Ferrandis, promotion 2023
 Louna Hassaini Moussaoui, promotion 2023
 Juliette Herbetty, promotion 2023
 Nils Hollenstein, promotion 2023
 Charlotte Levéel, promotion 2023
 Abdesslam Nagi, promotion 2023
 Louise Navet-Fortin, promotion 2023
 Juliette Parmentier, promotion 2023
 Youri Poignet, promotion 2023
 Margot Thétiot, promotion 2023
 Anaëlle Véricel-Guyot, promotion 2023
 Lucas Bertrand, promotion 2024
 Mathieu Feutry, promotion 2024
 Gildas Fichet, promotion 2024
 Benoît Monestier, promotion 2024
 Malou Moreau, promotion 2024
 Iris Sabardeli promotion 2024
 Nael Samyn, promotion 2024
 Séréna Hellal, promotion 2025
 Laura Spatzierer, promotion 2025

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.