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Billet de blog 11 mai 2022

Affelnet : le cadeau de départ de Blanquer au privé

Sous couvert d’une réforme prétendument « égalitaire», M. Blanquer, dans les derniers jours de son mandat, offre un dernier cadeau au privé. Espérons que son successeur reviendra sur ce néfaste projet de casse de l'enseignement public d'excellence!

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

A la rentrée prochaine, les lycées Louis-le-Grand et Henri-IV ne pourront plus sélectionner leurs élèves sur dossier. Décision imposée à la va-vite aux intéressés, sans aucune concertation préalable. Il faut croire que la récente débâcle des mathématiques n’a pas servi de leçon… La « méthode Blanquer » a encore (quelques) beaux jours devant elle !

Au lieu d’une sélection au mérite, le tri des élèves sera désormais effectué, comme pour les autres lycées parisiens, par l’algorithme « Affelnet ».  Cette machine infernale, pourtant maintes fois dénoncée, ne tient pas compte du niveau de notation du collège, ni des appréciations des professeurs, ni bien sûr du parcours personnel de l’élève.  En revanche, il intègre le fameux « IPS » - points attribués sur la base du lieu de résidence – pénalisant les élèves domiciliés à proximité des bons lycées.

S’il n’est pas avéré que ce système soit un outil efficace de mixité sociale (il crée surtout beaucoup de frustrations et rallonge les temps de transport des enfants), il est en revanche destiné – c’est même son objectif premier – à éradiquer les lycées de niveau. Disons-le clairement, puisque le Rectorat s’en est lui-même réjoui : Affelnet est un instrument de nivellement par le bas. L’excellence n’a plus droit de cité dans l’enseignement public !

On se demande quelle mouche a piqué Jean-Michel Blanquer... Pourquoi vouloir étendre cette désastreuse réforme aux deux derniers fleurons de l’école publique, pourtant symboles de la méritocratie républicaine ? Il faut reconnaître que l’abolition de l’excellence fait quelques heureux parmi les égalitaristes, qui y voient une victoire de la « lutte des classes ». Faut-il être naïf pour ne pas voir que le grand gagnant de cette réforme est avant tout l’enseignement privé !

Car quel plus beau cadeau pour les prestigieux lycées privés (Stanislas, Franklin et consorts) que de supprimer au public le droit de sélectionner ses élèves ? Nul doute que ces établissements s’empresseront de se servir dans le vivier d’excellents élèves du public.  Les futurs lauréats du Concours Général, élèves de classes préparatoires et des Grandes Ecoles, et autres Prix Nobel iront désormais chez eux, qu’on se le dise ! Et pas seulement… Voyant se dessiner un marché lucratif, les établissements hors contrat se multiplient pour accueillir les nombreux élèves victimes de la casse du public. IPESUP (dont la BPI – rappelons-le - est actionnaire) ouvre à la rentrée prochaine une classe de seconde à quelques pas du lycée Henri-IV – carton plein ! A ce rythme, le privé - qui représente déjà 89% des meilleurs lycées (classement Le Figaro 2022)- aura bientôt le monopole de l’enseignement secondaire de qualité.

Jean-Michel Blanquer, dont la politique aura été constamment influencée par les travaux de l’Institut Montaigne, et son recteur Kerrero, lui-même ancien membre du conseil scientifique de l’Ifrap, auront bien marqué ce quinquennat par leur mépris total de l’enseignement public. Dépouiller ce dernier de toute ambition d’excellence n’est pas surprenant pour des adeptes de l'ultra-libéralisme et de la privatisation.

Plus encore, cette réforme est une énième faveur accordée à l’enseignement privé par M. Blanquer.  Personne n’a oublié son « cadeau » de début de mandat, rendant l’instruction obligatoire à 3 ans et ouvrant ainsi la manne du financement public aux maternelles privées. Ayant fait ses classes chez les jésuites au Collège Stanislas, le Ministre aura conservé une amicale proximité avec les réseaux de l’école libre, révélée par la nomination de Mark Sherringham – catholique traditionaliste partisan du privé–  à la tête du Conseil supérieur des programmes (CSP) il y a quelques mois.  

Amère surprise : sous couvert d’une réforme prétendument « sociale », M. Blanquer, dans les derniers jours de son mandat, fait un dernier cadeau au privé en lui offrant l’apanage de l’excellence.

Cadeau sans conséquences ? Ce serait oublier que, contrairement à l’école publique, les établissements privés - en plus d’imposer des tarifs excluant d’office les moins fortunés - sont libres de sélectionner les élèves selon leur origine, leur classe sociale, leur religion, la profession de leurs parents ou leurs relations. C’est ainsi que l’entre-soi règne en maître dans le circuit privé parisien, fréquenté par la progéniture des ministres, patrons du CAC 40 et autres membres de la haute société.

Est-ce le monde dont nous voulons pour demain ? Une société dont l’élite intellectuelle, les talents scientifiques et les dirigeants sont exclusivement issus d’une caste de privilégiés est non seulement injuste, elle est aussi considérablement appauvrie.

Espérons que ce néfaste projet disparaitra dans les valises de M. Blanquer !

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