Au matin du 1er janvier, voici le journal télévisé

À l’hôtel, au petit déjeuner, je suis seul en face d’un écran plat; il est un peu plus de sept heures du matin; invisible, Madame Ma s’active en sa cuisine, « trois mètres sur trois mètres sur trois mètres, ce sont de jolies dimensions  »*. Quelles sont les nouvelles du Grand Turc? D’abord deux visages se montrent à la lucarne. Celui d’un jeune ingénieur, testé covid-positif, triplement vacciné, asymptomatique; il a réveillonné tout seul dans l’appartement très cossu de ses parents partis s’amuser sans lui; la caméra s’attarde sur son verre de vin; celui d’une dame plus âgée, la cinquantaine, testée positive asymptomatique, triplement vaccinée; elle a réveillonné seule dans un petit studio monacal tout blanc; la caméra s’attarde sur sa couchette étroite. C’est du sérieux, un ingénieur premier de cordée, une femme douce et triste, dévouée, moniale et sainte peut-être. NEXT: les Urgences de l’hôpital de R…. en grève. Pénurie de personnel; suppression, en pleine pandémie, d’une vingtaine de lits: un tiers de la capacité d’accueil renvoyée au néant, alors que le variant Omicron « déferle » sur la France. On entasse dans des couloirs des malades en surnombre. Mais la direction a publié un communiqué: c’est la conjoncture hivernale; on reste attentif. RÉALITÉ DÉRISOIRE IMPOSÉE, COMME TELLE, DE FORCE. C’était en 2022: le 1er janvier, en France, vu par un dissident soviétique; dans un recueil de nouvelles paru en 1922, aujourd’hui oublié.  *citation de Clov, au début de Fin de Partie, de Samuel Beckett(Éditions de Minuit).