Il y a un LUXE qui me paraît, sinon légitime, du moins possible, aux risques et périls du voluptueux; c’est celui que mentionne Nietzsche en train de devenir fou: tous les noms de l’Histoire, c’est moi. Tous, c’est peut-être beaucoup dire, et la précaution suffira, pour esquiver le reproche, qu’il soit infondé, ou non, de présomption elle-même délirante, d’ajouter « pour mon compte »: tous, sauf celui de Nietzsche; il vient l’ensemble vide, qui est très bien aussi, il va avec tout. Très seyant. Pour être tous les noms de l’Histoire, c’est facile: il suffit de se laisser effleurer par l’événement fortuit irrévocable; en écoutant à la radio, une fois encore, la fameuse Chaconne en ré mineur de Jean-Sébastien Bach, deuxième Partita pour violon, je revis intégralement, à l'aveuglette, les amours contrariées et tragiquement mélancoliques de la grande poétesse de l’ère stalinienne, Anna Akhmatova, et de ce jeune attaché d’ambassade britannique qui, par la suite et sans doute à regret, se fit un si grand nom dans la critique littéraire britannique. Or, cette Chaconne est le Tombeau de la première épouse de Bach, morte subitement tandis qu’il était en voyage. Tous les noms de l’Histoire, c’est la grelottante misère des sentiments humains.
Billet de blog 14 janvier 2024
Tous les noms de l’Histoire
Nietzsche
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