La durée, dont tous les instants s’engendrent et se détruisent l’un l’autre, où chaque moment surgit pour être aussitôt englouti le moment suivant, où tout paraît, disparaît, réapparaît en un clin d’œil, sans ordre, sans but ni cesse ni fin, - la durée a en elle-même, sous une apparence de vie, un rythme de mort. Les manichéens, notamment, conçoivent la vie du monde infernal - du Royaume des Ténèbres et du Mal* - à l’image de l’existence de l’homme plongé dans la pure durée, dans l’absolu devenir. Les êtres démoniaques qui peuplent les cinq régions superposées de l’Empire du Prince des Ténèbres ne perçoivent que l’immédiat; leur capacité de voir et d’entendre est « bornée », limitée à ce qui est purement actuel et tout proche. Ils ne réagissent qu’à l’instantané et n’agissent que dans l’instantané, sans dessein ni repos. Ils apparaissent, s’entre-dévorent, s’engendrent, pour s’entre-dévorer à nouveau et s’entre-détruire - perpétuellement, mécaniquement, pourrait-on dire - tout au long d’un devenir sans but ni terme qui est désordre, confusion, folie ou absurdité: une suite de mêlées dans la nuit, acharnées et sans raison, que suscite, insatiable, une sorte d’appétit insensé et bestial d’anéantissement, le « désir », l’ « instinct », l’ «enthumêsis de la Mort ». HENRI-CHARLES PUECH, En quête de la Gnose, I. La Gnose et le Temps, Paris, Gallimard, Bibliothèque des Sciences Humaines, 1972, pp.247-48. (*) du même auteur, cf. « Le Prince des Ténèbres en son Royaume » dans Études Carmélitaines, 1948, pp. 136 - 174.
Billet de blog 18 novembre 2025
Une suite de mêlées dans la nuit
acharnées et sans raison, que suscite, insatiable, une sorte d’appétit insensé et bestial d’anéantissement.
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