La naissance d’un veau à deux têtes était, dans l’Antiquité, un présage funeste; sinistre. Ce n’est plus, pour nous, qu’une anecdote, relevant de la génétique ordinaire. Cela vient de se produire, quelque part en France, j’ai vu ça sur un coin de quotidien régional que j’avais laissé traîner sur une table, pour me dérider(to deride somebody, cela signifie tourner quelqu’un en dérision). On peut imaginer bien des choses; mais l’une des plus effroyables dont j’aie eu connaissance arriva à Victor Hugo; en pleine nuit, à Hauteville House, il entendit sortir, du plus épais d’un mur de sa chambre, une voix de femme qui chantait, et c’était un chant admirable. Il le raconte dans CHOSES VUES; si, de toute votre vie, vous ne deviez lire qu’un seul livre, disait Jean Genet, lisez celui-là. Victor Hugo atteste que ce chant s’éleva des profondeurs de ce mur plusieurs nuits d’affilée, que sa femme l’entendit aussi(ils faisaient chambre à part), ainsi que leur servante, depuis sa chambre à elle; c’est ce qu’ils s’avouèrent les uns aux autres au matin, à la table du petit déjeuner, parce que Victor Hugo interrogea les deux femmes, qui, d’elles-mêmes, d’abord ne dirent rien. Aha! dira-t-on: suggestion! Non, ce billet n’est pas incohérent, bien que je cite de mémoire. Je demande: si, nous autres, nous entendions chanter dans un mur, cela nous rendrait-il moins enclins à la démesure?
Billet de blog 21 août 2022
La naissance d’un veau à deux têtes
discret hommage à Guido Ceronetti.
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