Les bons vivants

Dans un renfoncement du sauna s’est installée une avenante charcuterie; le patron est sur le seuil, distribuant son prospectus: canard confit, foie gras de canard (à superposer), caviar, beluga au bois d’aulne (à empiler et servir chaud sur le trône du roi, Erlkönig), truffes, truites fumées, beurre à la truffe à tartiner par-dessus, Pata Negra Jabugo, noirs de Bigorre uniquement avec bigoudis violet fluo, fromage du Pays Basque et son Ravel,  morilles, morituri, rillettes d’esturgeon, soupe d’esturgeon pour faire passer les rillettes, tarama au homard, cornard au tatami,  planches terre/mer à manger… tiens! Trimalcion! ça faisait une paye! comment va, Tritri? - il s’approche, l’air intéressé…  « chez moi, lui dit le charcutier, toutes les saveurs se dégustent les yeux fermés », oui oui, Trimalcion hoche de la poire…mais voici un Beluga qui passe dans le couloir…  -« excuse-moi, je suis à la bourre, je sors de chez Jérôme* et vais à la cantine… » -«tu y bouffes bien? » -« oui oui, de la langue de bœuf, j’aime bien sentir la langue du bœuf toucher la mienne… »…et déjà Trimalcion s’éloigne, croulant sous un quintal de Pata Negra Jabugo…oh c’est bon ça…mais c’est pas le tout…les moules…les moules…faut s’être fixé sur un nexus économique sacrément juteux, de son vivant, pour recevoir de pareilles offrandes dans l’empire des morts.  *Jérôme Bosch (NdlR).