Tristes apprêts,

Jour plus affreux que les ténèbres, Astres lugubres des tombeaux, Non, je ne verrai plus que vos clartés funèbres…, c’est l’air fameux de Télaïre dans Castor et Pollux, de Jean-Philippe Rameau, I, iii, ou II, ii, selon les éditions du temps, 1737, Montesquieu s’entretenait avec le duc de Saint-Simon; les paroles sont de Pierre Joseph Gentil Bernard, voir son portrait par Liotard, c.1735, admirable comme un Chardin; voir surtout EN ÉCOUTANT RAMEAU, du cher Lévi-Strauss, l’homme sombre qui aimait Rameau, dans son dernier livre, REGARDER ÉCOUTER LIRE(1993), maintenant pages 1519-1532 de l’édition de ses Œuvres dans la Bibliothèque de la Pléiade(2008, pour ses cent ans), ou, moins chère, dans l’édition originale chez Plon qu’on trouvera pour quelques euros dans les bacs de chez Gibert Jeune, ou sur internet. JOUR PLUS AFFREUX QUE LES TÉNÈBRES, ce n’est pas, à proprement parler, génial, entre l’hyperbole et l’oxymore, et pourtant, et pourtant, je me dis, comme c’est curieux que des mots gelés, comme ça, puissent soudain dégeler, au gré d’une guerre, d’une maladie, d’agonies et de morts multipliées, voire de simples problèmes personnels. Et voici que soudain ces paroles dédorées me hantent. C’est le propre du grand art, et même de l’art moyen, ou même carrément petit, de toucher juste en temps et hors de temps: hors du temps, c’est à dire tout simplement, peut-être, un peu plus profond que le temps présent, mais allant du même pas. JOUR PLUS AFFREUX QUE LES TÉNÈBRES, c’est ce qu’on peut, non pas chanter, mais murmurer dans les caves de Marioupol; ou d’ailleurs, même au septième étage d’un immeuble encore debout.