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André Bitton pour le CRPA

Président du Cercle de réflexion et de proposition d'actions sur la psychiatrie (CRPA), ancien président du Groupe information asiles (GIA), ex-psychiatrisé.

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Billet de blog 21 avril 2012

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Revendications du CRPA sur le champ de la contrainte psychiatrique

Intervention pour le compte du CRPA, à la conférence de presse inter-organisations du vendredi 20 avril 2012, 14 h, à l'AGECA, à l'occasion du délibéré du Conseil constitutionnel dans la QPC du CRPA sur 4 articles de la loi du 5 juillet 2011 sur les soins sans consentement.

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C.R.P.A. (Cercle de Réflexion et de Proposition d’Actions sur la psychiatrie

Association régie par la loi du 1er juillet 1901. Ref. n° : W751208044.

14, rue des Tapisseries, 75017, Paris | Sur le site du CRPA un dossier complet : http://psychiatrie.crpa.asso.fr/220  

Représentée par son président : André Bitton (même adresse).  

André Bitton.                                                                              Paris, le 18 avril 2012.

- Exergue :

"Sur mes cahiers d'écolier / Sur mon pupitre et les arbres/

Sur le sable, sur la neige/ J'écris ton nom      Liberté."

De Paul Eluard, 1942.

- Nous précisons tout d'abord que nous faisons nôtres une large partie des points de la Charte des Internés de 1975 (voir pièce jointe n°1).

- Nos revendications actuelles les plus prégnantes sont les suivantes, sans que la liste ci après soit exhaustive :

I°) Au plan général

I-1°) Nous réclamons une dé psychiatrisation de la société. Il faut tout de même réaliser que, selon les chiffres dont nous avons connaissance, nous sommes passés en une quarantaine d'années d'une file active dans la psychiatrie publique de 300 000 personnes au début des années 70, à une file active actuelle, toujours dans la psychiatrie publique, de 1,5 millions de personnes. Les perspectives actuelles indiquent de plus une extension incessante du champ d'application de la psychiatrie en général et de la contrainte psychiatrique en particulier.

 I-2°) Nous sommes pour une psychiatrie dont le champ d'application soit circonstancié, délimité, et qui se pratique selon les demandes des personnes concernées, au lieu qu'elle s'exerce prioritairement selon les demandes de la société, au bénéfice de l'ordre social, de l'ordre public, et de l'ordre familial.

Nous prônons donc un développement des prises en charge de proximité, en dehors du cadre de la contrainte psychiatrique, selon les principes fondamentaux du droit médical, du consentement éclairé, du libre choix du praticien et de l'équipe de soins, comme de la thérapie, et du droit au refus des traitements.

Nous réclamons une psychiatrie respectueuse des droits fondamentaux des gens. Nous réclamons une psychiatrie soignante et humaine et non une psychiatrie répressive. 

I-3°) Nous sommes pour la création d'un comité d'éthique spécifique à la psychiatrie, avec une commission par établissement. Ce comité d'éthique devant être composé de façon paritaire et nous inclure comme consultants là où nous sommes présents. Ce dernier point implique d'ailleurs que la représentation des usagers en psychiatrie, soit totalement revue et refondée, car manifestement cette représentation, telle qu'elle a été mise en place depuis 15 ans est un échec. 

I-4°) Nous réclamons donc la fin du monopole de fait - qui n'est pas un monopole de droit d'ailleurs - dont bénéficie la FNAPSY (Fédération Nationale des Associations d'Usagers en psychiatrie) en matière de représentation des usagers en psychiatrie.

Nous réclamons qu'une table ronde soit mise sur pieds après les élections législatives de juin 2012, avec les pouvoirs publics (le Ministère du travail et de la santé, mais également avec le Ministère de la Justice), et nos diverses associations d'usagers, de sorte que la représentation des usagers en psychiatrie dans ce pays, soit refondue et repensée, dans le respect  du fait qu'il y a, en effet, dans ce pays, une contestation de l'arbitraire psychiatrique, qu'en effet nous représentons, et que nous devons  être représentés dans les instances officielles, ce qui n'a jamais été le cas depuis 15 ans, sauf exception. 

II°) Sur l'internement et la contrainte psychiatrique :

II-1°)  Sur la judiciarisation des procédures de contrainte psychiatriques : Nous réclamons une judiciarisation a priori des décisions de mise sous contrainte psychiatrique, ainsi qu'une judiciarisation de l'ensemble des décisions de maintien des mesures de contrainte psychiatrique.

Nous estimons que le contrôle judiciaire doit s'exercer au plus tôt, et que ce soit à l'issue de la période d'observation d'un maximum de 72 h, que les gens promis à la contrainte psychiatrique soient envoyés en audience devant le juge des libertés et de la détention. Cela aussi bien s'il s'agit d'une mesure d'hospitalisation sous contrainte à temps complet que s'il s'agit d'une mesure de contrainte aux soins en ambulatoire ou avec hospitalisation contrainte à temps partiel. 

II-2°)  Sur la période d'observation : nous réclamons qu'elle ne puisse pas permettre une mise sous traitements psychiatriques sous contrainte, sauf des cas d'exception devant être dûment justifiés et objectivés par plusieurs constats médicaux concordants. A l'instar des mesures d'observation du Royaume Uni, ces périodes doivent avoir cours sans contrainte aux soins, et permettre aux patients qui le souhaitent d'organiser leur défense, ainsi qu'il est de rigueur pour toute autre modalité privative de liberté.

Durant cette période d'observation, la personne doit pouvoir bénéficier, à sa demande, de l'assistance d'un avocat, et, si elle le souhaite, d'une personne de confiance qu'elle désigne librement. 

II-3°) Sur les avocats des internés et des contrains aux soins :

Nous réclamons que soient instaurées dans tous les pôles des établissements habilités à la contrainte psychiatrique, des permanences d'avocats, régies selon l'indépendance déontologique des avocats. Nous réclamons également que la liste des avocats volontaires ou de permanence sur ce terrain, soit affichée dans tous les services habilités à la contrainte psychiatrique, de façon visible et accessible.

Concernant la formation des avocats des patients, nous réclamons des cycles de formation des avocats, gérés par les barreaux eux mêmes, avec nos participations, en jonction avec les universités de droit, et cela, indépendamment des hôpitaux et établissements psychiatriques, de sorte que l'indépendance de ces avocats soit assurée en tant qu'avocats des patients. Notre participation étant légitime et nécessaire.

Concernant la paierie des avocats commis d'office, nous réclamons que leur indemnisation au titre de l'aide juridictionnelle passe de 4 unités de valeur à 8 unités de valeur, c'est à dire à 184 Euros par dossier de sorte qu'il y ait, pour ces avocats, motivation pour une défense qualitativement probante.

II-4°) Sur la personne de confiance :

Nous réclamons que soit généralisée dans les établissements psychiatriques, la désignation dés l'admission des patients, d'une personne de confiance selon le libre choix des patients, et sans que cette personne de confiance puisse leur être imposée. Cela en particulier dans le cadre des mesures de contrainte. Cette personne de confiance qui peut être un ami, un parent, un médecin, un avocat, ou un membre d'une association à laquelle participe le patient, peut évidemment faciliter la prise en charge du patient. 

II-5°) Sur la période d'internement et de contrainte :

Nous réclamons que ces périodes d'internement et de contrainte aux soins, soient mises à profit pour qu'un dialogue dense s'instaure entre l'équipe et le patient, de sorte qu'il puisse y avoir aussi rapidement que possible une prise de conscience par le patient de sa pathologie, et des voies et moyens qui lui sont ouverts pour en sortir et se prendre en charge. Cela suppose également une diversification des approches thérapeutiques, et de laisser ouvertes aux patients les diverses modalités de prise en charge et de stratégies thérapeutiques. 

A cet endroit, il faut en finir avec cette conception trop répandue dans la psychiatrie française, et qui est aberrante en termes thérapeutiques, selon laquelle les médicaments psychiatriques peuvent tout. Les traitements ne sont qu'un moyen, une étape, une modalité parmi d'autres. 

Nous réclamons la mise à effet, dans les pratiques, des termes de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique, sur les droits incompressibles des patients sous contrainte. Cela suppose bien sûr que ces droits soient donnés à connaître aux patients, et que les patients puissent effectivement les exercer.

II-6°) Sur la contention et la mise à l'isolement :

Nous réclamons que les pratiques de contention soient abolies et interdites, et que la mise en chambre d'isolement prête lieu à une décision écrite distincte, d'un administrateur de garde, de sorte qu'elle puisse être attaquée en excès de pouvoir devant le juge administratif, ou selon le choix, devant le JLD immédiatement ou au plus prochain contrôle de légalité de l'internement. 

II-7°) Sur les soins sans consentement :

Nous réclamons que ceux-ci ne puissent avoir cours que de façon limitée dans le temps, et selon un encadrement légal et réglementaire strict, garantissant les droits des patients. Ces mesures n'ont pas à être utilisées par facilité, pour que les équipes soient débarrassées d'avoir à contractualiser les prises en charge, et donc à expliquer les stratégies thérapeutiques aux patients.

Nous réclamons par ailleurs, que ces périodes de contrainte aux soins,  cessent dés le moment où les personnes acceptent les soins, même si cette acceptation est formelle. En effet, seules des thérapies laissant la porte ouverte au libre choix du patient, du thérapeute et de la thérapie, comme à son libre arbitre, peuvent être efficaces. Le trop grand nombre de patients chroniques des établissements et des secteurs de psychiatrie prouve à l'envi que les stratégies thérapeutiques seulement médicamenteuses, et qui se contentent de laisser planer sur les patients la terreur du ré internement ou d'une hausse des doses, sont un échec. Il faut donc  repenser  complètement ce genre de prise en charge. 

II-8°) Sur les UHSA et les UMD :

Nous réclamons la fermeture des UHSA comme des nouvelles UMD qui ont été mises sur pieds ces dernières années. En effet, nous ne pensons pas que les hôpitaux prisons soient une solution pour les détenus souffrant de troubles mentaux. Nous estimons que les prises en charge de ces détenus doivent être évaluées avec ces détenus eux mêmes, leurs proches, les organisations associatives qui gèrent ces problématiques, en se faisant éclairer de l'expérience des contrôles effectués par les services du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté, de façon paritaire, et non par un diktat exécutif, sous la pression des faits divers. 

Quant aux UMD qui ont été créées ces dernières années, nous réclamons leur fermeture. Nous ne sommes que trop au courant, par certains dossiers de notre association, que ces UMD tiennent en détention des gens qui n'ont rien à y faire, et qui y sont envoyés au terme, par exemple, et de façon aberrante, de réglements de comptes internes aux équipes psychiatriques classiques, quand celles-ci estiment ne plus pouvoir gérer telle situation en impasse.

Nous n'estimons pas que de telles structures soient une solution, sauf dans des cas extrêmes et très limités pour lesquels les 4 UMD qui pré existaient avant les nouvelles ouvertures de ces dernières années étaient amplement suffisantes. Ces quatre UMD étaient elles mêmes problématiques, ainsi que l'affaire Claude Baudoin l'avait par ailleurs prouvé. Voir la condamnation de la France par la CEDH, dans cette affaire, du 28 novembre 2010. 

III°) Du droit à l'oubli.

III-1°) Rendre effectif l'article L 3211-5 du code de la santé publique : Cet article de loi introduit par la loi du 27 juin 1990, interdit l'opposabilité des antécédents psychiatriques. Or, force est de constater que cet article n'est pas appliqué et que d'ailleurs il est inapplicable, faute de sanctions prévues que l'on puisse faire mettre à effet.

Nous proposons donc que cet article soit réformé et qu'il inclue d'une part que le fait d'opposer ses antécédents psychiatriques à une personne qui a fait de la psychiatrie, soit passible d'une peine de prison d'un an et/ou de 15 000 € d'amende. Mais également que toute administration, collectivité ou entreprise, qui aura pris une décision sur la base d'antécédents psychiatriques ainsi opposés, pourra voir annulée cette décision par toute juridiction compétente. La peine d'amende trouvant son correspondant en droit public, si une administration est concernée dans le cadre d'un plein contentieux, mais aussi en droit civil dans le cadre d'un contentieux indemnitaire. 

III-2°) De l'effacement des dossiers et des fichiers.

Nous proposons qu'un droit à l'oubli étagé en trois durées distinctes, selon les cas de figure, soit instauré, de sorte qu'à l'issue d'un délai légalement prévu, les dossiers et fichiers tant hospitaliers que préfectoraux et sanitaires soient obligatoirement purgés, pour qu'il y ait un droit à l'oubli effectif, pour les personnes ayant connu des antécédents psychiatriques, et qui s'en remettent ou s'en sont remis. 

- Nous proposons, que pour les mesures de contrainte ayant duré moins de trois mois, ce droit à l'oubli soit effectif au bout de 3 ans.

-  Pour les mesures de contrainte psychiatrique ayant duré de 3 mois à 2 ans, ce droit à l'oubli serait acquis au bout de 5 ans.

-  Pour les mesures de contrainte ayant duré plus de deux ans, ou pour des raisons médico-légales graves, ce droit à l'oubli serait acquis au bout de 10 ans.

L'absence actuelle de durée légale pour un droit à l'oubli effectif, en matière psychiatrique, revient à ce que nous connaissons en France : de véritables casiers psychiatriques, dans le plus complet des non dits, dans la plus parfaite hypocrisie. Les patients qui ont fait l'effort de se remettre de leurs troubles, et de ne plus faire parler d'eux en termes de sécurité publique, comme de crises délirantes objectives amenant à des ré internements, doivent pouvoir bénéficier d'un tel droit à l'oubli. Faute de quoi règne une stigmatisation à perpétuité qui n'est pas légitime et qui est également la source de nombre d'internements abusifs, basés sur le fait que la personne internable est connue pour ses antécédents psychiatriques. 

IV°) Contre l'eugénisme qui frappe les malades mentaux ou catégorisés tels en France actuellement.

Eu égard au fait que de façon trop fréquente, les enfants nés dans des foyers où la mère ou le père, ou les deux, ont fait ou font de la psychiatrie, sont placés à l'Aide Sociale à l'Enfance, et que tant les parents que ces enfants connaissent en conséquence un sort affreux. Eu égard au fait que ces personnes vivent très souvent des affres atterrantes. 

Nous réclamons donc un moratoire des placements d'enfants confiés aux services gardiens de l'enfance en danger, issus de foyers psychiatrisés. Nous pensons qu'il est préférable que les fonds publics servent à suivre et à étayer ces familles, à les soutenir, plutôt qu'à générer des drames parfois épouvantables, comme nous avons pu en connaître dans certains dossiers. 

Je limiterai mon exposé à ces quelques points. Sachant que je n'ai bien sûr pas épuisé le sujet de ces revendications que nous pouvons émettre, de ce côté-ci de la barrière.

Je vous remercie de votre attention.

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