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Billet de blog 2 septembre 2015

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Logement et cohésion sociale : éthique de conviction, éthique de responsabilité

La réalisation de l’intérêt général est-elle compatible avec l’efficience entrepreneuriale ? Cette question paraît incongrue, tant l’impératif économique s’impose aujourd’hui dans le champ politique. Pour autant, elle ne peut être éludée dans les secteurs-clés de la cohésion sociale, celui du logement d’intérêt collectif, notamment.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La réalisation de l’intérêt général est-elle compatible avec l’efficience entrepreneuriale ? Cette question paraît incongrue, tant l’impératif économique s’impose aujourd’hui dans le champ politique. Pour autant, elle ne peut être éludée dans les secteurs-clés de la cohésion sociale, celui du logement d’intérêt collectif, notamment. C’est la recherche d’une réponse pratique et conforme au bien commun qui, depuis des années, sous-tend la stratégie de la Société Nationale Immobilière (SNI).

Le postulat de départ qui s’impose à une entreprise publique et à ses dirigeants, dans le cadre républicain, est qu’elle est tenue d’agir dans le monde tel qu’il est, et non de débattre de ce qu’il devrait être. Telle est sa vocation ancillaire. La loi s’impose à tous et la loi de finances fixe les moyens budgétaires disponibles. Le Droit pose les règles du jeu qu’il convient de respecter.

Sur cette base, comment satisfaire, dans les meilleures conditions possibles, la demande de logement, au minimum d’hébergement, de toute personne dont l’intégration sociale est conditionnée par la jouissance d’un toit et d’une adresse et dont l’humanité implique qu’elle soit satisfaite ?

Les ressources publiques n’étant pas illimitées, il s’agit donc d’en déterminer l’usage dans la logique de justice (re)distributive qu’impose la cohésion sociale : à chacun selon ses besoins, en fonction de ses moyens.

C’est la raison pour laquelle, engagée dans la recherche d’une réponse globale à la question de l’habitat, la Société Nationale Immobilière développe une offre de logements dits « intermédiaires », à mi-chemin entre le parc social et le marché, financée par des fonds de nature privée, quelle qu’en soit l’origine, et qui permet de concentrer les ressources publiques, produites par les prélèvements obligatoires, sur l’accueil des plus précaires, dans le parc social et très social. Bien sûr, mobiliser des moyens privés ou gérés comme tels suppose de garantir un rendement aux investisseurs. Pour autant, ils concourent doublement à l’intérêt général. D’abord, en permettant d’accueillir convenablement les salariés modestes, les agents des trois fonctions publiques (de l’Etat, territoriale et hospitalière) qui ne bénéficient pas d’un accès prioritaire au parc social. Pour eux n’existe qu’une option : l’intermédiaire ou le marché, c’est-à-dire trois heures par jour de transport en commun, pour dix à quinze mètres carrés par personne. Ensuite, cette offre dite « intermédiaire », financée par des deniers privés, facilite la réorientation du logement social et très social au profit des plus démunis.

Autre point délicat : le logement social, que la crise économique rend plus nécessaire que jamais, suscite une interrogation : comment en financer le plus grand nombre possible ? Deux ressources différentes doivent y contribuer : les prêts, pour 75% du coût de chaque projet, financés par le Livret A ; un investissement non remboursable provenant, alternativement, des subventions publiques ou des ressources propres du bailleur, pour les 25% restants. Les premières étant limitées, il faut bien se procurer les secondes en plus grande proportion. Comment ? En cédant, chaque année, un logement sur 100 ou sur 200 à des locataires candidats à l’accession, pour mettre en chantier, avec le produit de la vente d’un logement complété par un emprunt, 2 à 3 logements neufs.

A quelle condition cette pratique, socialement utile, est-elle moralement acceptable ? Que le produit de chaque vente soit intégralement affecté à la construction de logements sociaux ; qu’aucun locataire ne soit contraint d’acquérir son logement, et qu’à cette fin, aucun congé pour vente qui aurait pour effet d’entraîner son éviction du parc social ne lui soit signifié.

La Société Nationale Immobilière respecte ces conditions et elle fait beaucoup mieux : tout le résultat qu’elle dégage, à partir de ses activités rentables, est à la disposition de son actionnaire unique, la Caisse des dépôts, qui le réaffecte à des opérations d’intérêt général. C’est à ce titre que la SNI, avec le soutien de la CDC, a investi une centaine de millions d’euros dans ADOMA, bailleur social en difficulté, dédié à l’accueil des publics précaires, et, notamment, des populations migrantes, et dont la mission mérite d’être soutenue et amplifiée.

Bien sûr, toutes ces activités supposent un grand professionnalisme et une grande rigueur. Parce qu’il est produit par chaque citoyen, un euro d’argent public a beaucoup plus de valeur qu’un euro d’argent privé et son emploi doit être irréprochable : c’est pourquoi n’existent, à la SNI, ni « stock-options », ni « golden hello », ni « retraite chapeau »… et c’est aussi pourquoi les règles de droit et les principes déontologiques fixés par la CDC y sont strictement appliqués.

La controverse philosophique, depuis le XVIIème siècle, a souvent opposé éthique de conviction et éthique de responsabilité. Ce débat est insoluble et indépassable, à ceci près que selon la fonction que chacun occupe dans la société, les termes n’en sont pas identiques. Hommes politiques, syndicalistes, intellectuels, artistes se situent librement dans ce champ dialectique. Tel tribun peut appeler à l’émergence d’un « homme nouveau », tel autre peut juger que l’ordre établi doit être mis à bas et que tout moyen pour l’affaiblir est légitime. Cette liberté d’appréciation n’est pas offerte à l’administrateur public qui doit prendre en compte, à chaque instant, les conséquences concrètes de ses actes. Il n’est d’ailleurs pas le seul à répondre à cet impératif catégorique, et nombre de militants tentés par des choix révolutionnaires sont conduits, du fait de leurs responsabilités, à privilégier le progrès quotidien plutôt qu’une hypothétique rupture.

Simplement, pour le responsable d’une entreprise publique, il ne s’agit pas là d’une option, mais d’une obligation. De même un militaire n’est-il pas censé discuter l’ordre légal de l’autorité légitime, mais doit-il s’efforcer de l’exécuter le plus efficacement possible. En cela réside son honneur, ainsi que sa raison d’être.

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