A l’heure où la Chine capitaliste devient la première puissance industrielle du monde, où Cuba s’apprête à réintégrer la sphère sous domination américaine, la doctrine économique, conçue en tant qu’expression et critère de la modernité, paraît s’imposer sur une échelle universelle.
Jusqu’où cette puissance irrésistible peut-elle, doit-elle homogénéiser, et quelque peu niveler, le monde ? L’expérience de la France depuis trois décennies prête à réflexion, en la matière.
A la fin des Trente glorieuses, le modèle français des « champions nationaux », de l’agriculture productiviste et de la grande distribution était en passe d’envahir le monde. Le modèle anglo-saxon de libre concurrence, adopté par l’Europe, a compromis quelque peu cet élan. Sans doute les « baby-boomers » nostalgiques peuvent-ils regretter cet « âge d’or » pompidolien, mais rien ne le ramènera.
En termes de service public, cette époque révolue était celle des instituteurs logés à côté de l’école, des postiers au-dessus de leur bureau, des électriciens, des cheminots, à proximité de leur lieu de travail.
La mode du « tout monétaire » est passée par là : le traitement revalorisé devait permettre de satisfaire tous les besoins. Malheureusement, la métropolisation a rendu illusoire cette promesse et la hausse des loyers, dans les zones tendues, ainsi qu’une conception erronée de l’égalité professionnelle, font qu’infirmières, enseignants, policiers, difficilement admis dans le logement social désormais réservé à d’autres publics prioritaires, se trouvent le plus souvent relégués à une heure, une heure trente de transport en commun, condamnés à une existence exténuante.
La modernité n’impose pas cela. Adapter le service public « à la française », restaurer tout-à-la-fois attractivité et efficacité, passe par le retour aux fondamentaux que les militaires, les cheminots n’ont pas abandonné : le logement des agents publics est un élément substantiel de leur condition, mais aussi de leur efficience. Du moins dans la conception française du service public. Préserver certaines particularités peut conférer, si elles sont choisies avec pertinence, un avantage comparatif à notre modèle national.