Le premier poème du recueil, de trois fois deux vers, s’intitule The Vulture, le Vautour. En voici le dernier vers: « TILL HUNGER EARTH AND SKY BE OFFAL », approximativement, maladroitement: d’ici à ce que la faim soit (de) la terre, et le ciel, une charogne. Comme source, Beckett a indiqué un très beau poème de jeunesse de Goethe, justement célèbre, Harzreise im Winter, Voyage d’hiver dans le Harz, qui date de sa première période à Weimar, 1775-1786; poème sur la solitude, la destinée, la destinée du solitaire; douze strophes de longueurs inégales, de cinq à treize vers, deux pages et demie in-16°, et qui commence ainsi: « Dem Geier gleich / Der auf schweren Morgenwolken / Mit sanftem Fittich ruhend / Nach Beute schaut… » - il faut le lire en entier, en allemand. Beckett a toujours été attentif aux oiseaux(mon témoignage personnel), et fasciné par le vol des rapaces, comme en témoigne un passage du début de Malone meurt, qu’on a pu rapprocher, stylistiquement, de Bossuet, et c’est juste. « Till hunger earth and sky be offal », comme certaines phrases du Finnegans Wake de Joyce, et d’autres de Beckett lui-même, m’a toujours servi de mantra, au sens véritablement tibétain du mot; qu’on l’essaie. Le poème original, je ne parle pas des traductions posthumes, et j’ai pour cela mes raisons, se trouve dans: Samuel Beckett, Collected poems 1930-1978, London, John Calder, 1984; à l’auteur de ces lignes, le grand poète en offrit lui-même, et en mains propres, un exemplaire dédicacé.
Billet de blog 13 septembre 2021
Le Vautour.
À Paris, en 1935, paraît en anglais un mince recueil de poèmes d’un quasi-inconnu, un jeune Irlandais, Samuel Beckett, identifié alors par quelques rares initiés comme lecteur d’anglais à l’École Normale supérieure de la rue d’Ulm(1928-1930), et ami de James Joyce. Titre: Echo’s Bones and Other Precipitates. Éditeur: Europa Press[George Reavey].
Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.