Grandeur inutile.

Anne, premier violoncelle, à l’époque, me parle du maestro. Le Credo de la Messe en si, me dit-elle. Très délicat, pour ce qui est des entrées; il y a un moment que presque tous les chefs ratent, même les meilleurs, où le contrepoint devient si touffu que soudain les voix de dessus semblent être tombées à la mer, et où le cantus firmus coule à pic. Lui, ce soir-là, dirigeait depuis le clavecin, dont la partie est devenue celle d’une percussion extrêmement rapide; déjà qu’il avait pris un tempo dingue. Comme Bernstein le faisait parfois, il dirigeait rien qu’avec des mimiques, des mouvements infiniment variés des yeux, et de tous les muscles de son visage. C’était au Palazzo Te, à Mantoue. Il avait à peine besoin de demander; on allait au-devant de ses exigences. Personne qui ne voulût lui plaire; personne qui ne l’aimât. Toutes les femmes étaient folles de lui; et, avec chacune, il avait une relation particulière. Mais, ce qui est étrange, chaste, dans tous les cas. On aurait bien, dans le cas contraire, fini par le savoir; dans une position comme la sienne, il peut y avoir du secret; mais pas très longtemps. Mais son cœur était pris par une femme de charge du Palais, qui se souciait de lui comme d’une guigne; qui ne savait même pas qui il était.