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Billet de blog 7 décembre 2013

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Virtualité des échanges et changement radical

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce dont je souhaite parler aujourd'hui c'est de la virtualité des échanges sur Médiapart et de la relation existant entre elle et le changement radical de la société auquel aspirent bon nombre de commentateurs. Louise Merzeau, médiologue à l’Université de Paris X pourrait nous en apprendre beaucoup sur les traces qu’on laisse sur le net et elle a sans doute déjà été invitée sur Médiapart mais je l'ignore puisque je ne suis qu’une très récente abonnée.  Précisons d'abord que ce qui va suivre n’est que l’expression toute personnelle d’un ressenti que j’ai voulu prolonger par une réflexion plus vaste.  Consciente d’une part que l’essentiel des 80 000  abonnés de Médiapart ne s’expriment ni sur les blogs ni dans l’espace des commentaires, ils en constituent donc la « majorité silencieuse ». Quelque soient  les raisons de ce silence, elles sont respectables. Si j’extrapole les raisons qu’ils pourraient avoir de se taire, je dirais que cela peut aller du manque de temps au manque d’envie  (de motivation), ou tout simplement,  comme le disait quelqu’un sur un fil de commentaires, ils pensent ne pas être qualifiés pour parler de tel ou tel sujet. Ces scrupules les honorent car ils démontrent que loin de profiter de cette liberté de parole pour "occuper" au sens de préempter l’espace virtuel, ils s’interrogent pour savoir s’ils ont quelque chose à apporter de plus à la réflexion ou à l’information. La participation à un média libre pour peu qu’on en respecte les règles de base, s’entend sans doute pour eux comme expérience d’évolution possible au contact d’autres opinions, idées. Néanmoins ils sont aussi acteurs de ce journal, puisqu’ils le lisent, même sans y laisser de traces.

Mais ce qui m’intéresse aujourd’hui particulièrement c’est la minorité des abonnés qui elle, est « non silencieuse » car c’est grâce à elle que je peux écrire ce qui va suivre. Intriguée depuis longtemps par l’impact du virtuel sur le fonctionnement humain (y compris le mien), j’ai eu envie de me pencher sur le phénomène de façon détaillée. Ce que la présence virtuelle révèle – pour peu qu’on veuille bien s’y attarder – c’est un cortège d’excès en tout genre et leurs conséquences néfastes sur l’idée que nous nous faisons tous d’un média participatif.

En société nous obéissons à des règles de bienséance et de politesse qui garantissent le vivre ensemble.  Quand nous nous parlons, la parole est accompagnée du regard, du ton et même certains spécialistes le disent, de certaines hormones secrétées qui nous font apprécier ou détester la personne qui nous fait face.  Le fait de taire des émotions négatives en face à face,  n’empêche pas autrui parfois de s’en rendre compte. Ce que j’appelle bienséance, peut être appelé par certains l’hypocrisie de tous les jours.  Penser ainsi, c’est accréditer le fait que les relations humaines ne sont qu’une comédie, ce que je ne crois pas. Dans le champ virtuel point de ton, de regard, d’hormones (quoique…) juste des phrases et des émoticons que l’on rajoute  parfois pour transmettre l’émotion adéquate et se faire mieux comprendre. Ces derniers servent tour à tour à exprimer des émotions et ils témoignent d’un désir de ne pas froisser autrui, de donner un ton émotionnel  à une phrase pour qu’elle ne soit pas interprétée de façon erronée. Mais ils servent aussi à envoyer une émotion à l’autre qui se substitue au ton ou au regard.

Certains commentateurs, rares heureusement, en font un usage inverse : un sourire ou un clin d’œil accompagné d’une phrase assassine.  On peut par manque d’analyse  les prendre pour des trolls car on remarquera qu’ils interviennent toujours pour assécher la discussion naissante par une intervention courte, péremptoire, s’attachant à discréditer autrui par des attaques personnelles ou idéologiques basses et viles.  Mais là on entre dans le pathos du pervers narcissique qui aime embrouiller son interlocuteur.  Pervers il est en ce sens qu’il jouit de la souffrance ou de la confusion qu’il adore créer chez autrui.  Narcissique  par sa manière de tout ramener à lui : « il avait tout compris avant tout le monde, il l’a écrit sur son blog, les autres sont des pauvres naïfs ou de clairs abrutis » il ne se prive pas d’insulter à tout va, exprimant ainsi son  besoin inconscient de limites, qu’il s’interdit à lui-même pour lui-même, tout en posant sans cesse des limites aux autres en les empêchant de  s’exprimer. Tout y passe : ridiculisation de l’autre, mépris affiché, insultes, provocations, Bref la forme chez lui prime sur le fond car il est sans fond-(ement). C’est un être qui « pompe » admirablement la créativité des autres mais qui est creux, il aime s’entourer de personnes brillantes, sensibles pour mieux les détruire. Il vit tel un parasite sur l’intelligence et la sensibilité des autres. Il peut faire croire que c’est le désespoir qui le rend ironique mais dans les faits, c’est autrui qu’il désespère et il s’en réjouit.  Il déteste qu’on l’attaque sur sa personne et qu’on retourne la situation perverse ainsi dès qu'on s'avise de lui retourner l’attaque il se fait passer pour la victime ou s’enfuit bien vite. Il ne sert à rien de discuter avec lui car il n’entend pas raison...Il est déraison : tout ce qui détricote le sens…

Partant.

1°) Les commentateurs sont des vraies personnes ce qui sous entend qu’ils parlent de façon subjective et parfois même attribuent aux autres des idées, ressentis, émotions qui sont les leurs. Cela s’appelle de la projection.  Elles sont toutes, ou à peu-près, dotées d’égos plus ou moins fragilisés ou au contraire hypertrophiés, ces deux extrêmes étant le résultat d’une certaine éducation. De plus ce que j’imagine de l’autre qui a laissé une phrase de commentaire ou plusieurs, ce qu’on appelle « les représentations » c’est  à dire ce que m’évoque les mots d’une personne, me renvoie à moi-même car cette personne je ne la connais pas.  Les phrases laissées en commentaire ne suffisent pas à me la faire connaitre et à l’appréhender dans toute sa complexité. Si elle a la chance de savoir exprimer sa pensée, ses croyances, son idéologie, ses valeurs, elle pourra peut-être se faire comprendre mais sinon son commentaire sera interprétée et c’est arrivé à nombre d’entre nous. Pour le dire autrement le virtuel est un handicap à la compréhension car il exige encore plus de précision et de maturité que la communication orale en face à face.

2°) Les commentateurs jouent tous un rôle.  Il sera donc en préalable nécessaire que chacun se questionne sur le rôle qui est le sien ou qu’il entend jouer dans cette communauté virtuelle, sensée être participative.

3°) Les commentateurs sont des personnes qui ont des convictions ou qui militent activement. Ils sont donc comme moi, des êtres « tendancieux », idéologiquement orientés et par définition, intolérants à d’autres convictions, chacun étant persuadé que la sienne est la plus appropriée pour « changer ». Mais la grande majorité de ceux qui s’expriment est au moins d’accord sur le fait que ce monde doit changer. Nous sommes d’accord sur le fait qu’un changement s’impose mais nous divergeons sur le « en quoi changer » et sur le « comment changer ». Le premier est un problème de fond puisqu’il touche à l’idéologie, le second relève de l’organisation du changement, des moyens et il suppose d’avoir des propositions alternatives à faire. Or les commentaires sont des constats, des ressentis indignés à la lecture des articles, ils expriment un ras le bol général, une sorte de désespérance, une impression de « tous pourris » qui n’est pas le fait des articles mais sans doute celui de l’impossibilité de changer ce qu’ils dénoncent. Lorsque les divergences idéologiques s’expriment, se font jour et là le virtuel ne nous sert pas au contraire, il nous dessert. Si nous parvenons à dépasser nos égotismes, nos sectarismes aussi, en forme de partis politiques, car c’est nous qui les appelons à l'aide, incapables que nous sommes de nous autodéterminer, tellement nous sommes  accrochés à la mamelle de nos représentants et de nos bons maîtres depuis toujours. Le deuxième couplet de l’Internationale, nous le dit bien mieux que tous les mots : « Il n’est pas de sauveurs suprêmes: Ni Dieu, ni César, ni Tribun. Travailleurs, sauvons-nous nous-mêmes… »

C’est dire l’immense gageure que d’essayer d’échanger sur ce média-participatif par  autre chose que des ressentis émotionnels négatifs, des jugements de valeur à l’emporte-pièce…  Elle nécessite de se poser la question de ce que « je »,  peux apporter à la fois de personnel et de collectif qui permette à la communauté virtuelle de progresser vers une prise de conscience et vers une action radicale de changement.  Elle nécessite aussi une humilité qui peut sembler blessante à certains égos minoritaires, celle de se dire que seul nous ne sommes rien et qu’ensemble nous serons tout.  Et je finirais par le premier couplet de l’Internationale qui m'inspire beaucoup :

« Debout! L’âme du prolétaire
Travailleurs, groupons-nous enfin.
Debout! Les damnés de la terre !
Debout! Les forçats de la faim !
Pour vaincre la misère et l'ombre
Foule esclave, debout ! Debout !
C'est nous le droit, c'est nous le nombre :
Nous qui n'étions rien, soyons tout. »

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