Monsieur le Président,
Si je prends le clavier aujourd’hui, c’est parce que j’en ai assez que votre gouvernement et les médias parlent en permanence à ma place. Car voyez-vous, je ne me reconnais aucunement dans le portrait que l’on fait de moi ni dans les motivations que l’on me prête.
Mais d’abord qui suis-je ? A l’heure où l’on décline beaucoup plus son CV vaccinal que son identité, je vous dirais que je suis une personne n’ayant pas un schéma vaccinal complet, c’est-à-dire un paria de notre société à vos yeux peut-être, dans vos propos certainement et dans votre politique encore plus.
D’abord, voici une petite présentation de ma vie depuis qu’au mois d’août 2021, vous avez décidé de créer deux classes de citoyens:
- Je ne vais plus dans les bars ni les restaurants car je respecte le choix que vous avez fait de priver ces acteurs de l’économie locale d’une partie de leurs recettes. On s’y habitue et on finit par s’en priver assez facilement.
- Je ne vais plus non plus au cinéma, dans des concerts, aux expositions ou toute autre manifestation culturelle. Il est plus difficile de se passer de ces moments -là mais la culture est partout si et seulement si on sait ou la chercher, donc finalement, ce n’est pas si gênant non plus (au passage, on peut s’interroger sur votre acharnement à faire de la culture la grande perdante du Covid mais c’est un autre débat).
Allez, je vous l’avoue, je ne peux me passer de médiathèques, donc là oui, j’utilise un passe sanitaire qui n’est pas le mien. N’ayez crainte, il n’y a vraiment pas grand monde dans les médiathèques un samedi après-midi. Les centres commerciaux et lieux de shopping en tout genre sont beaucoup plus peuplés et on y parle beaucoup plus qu’en lisant un livre, mais là il ne faut pas de passe sanitaire (je vous l’accorde, on n’est plus à une contradiction près).
- Pour les déplacements longs, on prend l’habitude de prendre le train dans l’illégalité quand bien même on a son billet. Et c’est l’un des points sur lesquels je souhaite vous alerter. Votre politique en ce sens me semble irresponsable et même dangereuse. Du jour au lendemain, on perd certains droits sans être hors la loi. Devant l’étendue des restrictions, on est presque forcé d’en contourner quelques-unes pour vivre à peu près normalement et ne pas venir grossir le rang des urgences psychiatriques. Or, on s’habitue à ne plus forcément respecter ce qui est autorisé ou pas et c’est là l’un des dangers de votre politique coercitive.
- Enfin, bien sûr que je ne me fais pas tester au moindre rhume ni au moindre mal de tête. Je ne vais tout de même pas convertir mon budget restau ou ciné en budget « test », puisque ceux-ci sont payants pour les non ou demi vaccinés, même en cas de symptômes. Et là, il faut quand même se demander si réellement votre objectif est de freiner l’épidémie. Depuis votre prise de parole début janvier, nous avons la réponse.
Vous n’êtes pas sans ignorer que l’Organisation Mondiale de la Santé définit la santé comme un état de bien-être physique, mental et social. Je vous avoue que cela m’intrigue : d’un côté vous vous préoccupez de ma santé puisqu’il faut que je me fasse vacciner à tout prix, de l’autre vous vous acharnez (n’avez-vous pas d’autres dossiers plus urgents ?) à réduire mon bien-être social. Ça doit être votre façon de faire du « en même temps ».
Monsieur le Président, je ne suis ni une extrémiste, ni une complotiste ni une anti-vax. Je suis très bien informée et mon intelligence vaut la vôtre. Donc non, je ne me reconnais pas dans le profil type que l’on fait de moi depuis quelques mois.
Quelles sont mes motivations à ne pas avoir « un schéma vaccinal complet », ce sésame qui me permettrait de vivre à nouveau dans une soi-disant normalité (la normalité dans notre pays s’est arrêtée au premier confinement et n’est pas revenue depuis) ? D’abord, entre nous, je ne considère pas normal de montrer un passe vaccinal pour boire un café, donc vaccinée ou non, cela aurait peu d’impact sur moi car je continuerai à bouder les cafés et autres lieux de plaisir soumis à contrôle. Mais la vraie raison, celle qui a fait que je n’ai jamais fait ma deuxième injection, c’est le passe sanitaire. Du jour au lendemain, il y a eu une rupture d’égalité trop scandaleuse à mes yeux pour ne pas m’y opposer. Du jour au lendemain, certains ont été obligés de se faire vacciner pour ne pas perdre leur emploi et d’autres non. Comment expliquer ces différences ? Au passage, les corps de métier ayant des syndicats forts n’ont pas été soumis à cette obligation.
Vous semblez penser que « les personnes n’ayant pas un schéma vaccinal complet » ne sont pas des citoyens. Je pense au contraire que je n’ai jamais été autant citoyenne qu’en défendant notre idéal républicain. J’avoue que je ne comprends pas trop mes concitoyens qui se sont pliés à vos mesures discriminatoires. Pour autant, je ne les juge pas. D’abord, parce que le pire qui pourrait arriver à notre société que vous n’avez déjà que trop fracturée serait de juger les motivations des uns et des autres. Ensuite, parce que je comprends que dans le contexte qui est le nôtre depuis deux ans, pétri de contradictions et où l’on nous demande de nous adapter à de nouvelles règles chaque semaine déstabilise, fatigue et empêche de penser sereinement.
Alors vous pouvez continuer à renforcer les mesures liberticides à mon égard puisque vous prenez plaisir à nous emmerder (ceci dit en passant vos sources de réjouissances ne sont pas très glorieuses et ne vous élèvent pas ni votre fonction). Une seule condition me fera changer d’avis : l’obligation vaccinale.
Je me ferai alors vacciner, sans aucune conviction d’ailleurs, car plus le temps passe, moins je comprends l’intérêt de cette mesure. Mais je le ferai parce que ce serait la loi et qu’elle serait alors enfin la même pour tous.
Non, je ne vous demande pas d’instaurer l’obligation vaccinale, contraire aux recommandations de l’OMS. Je vous dis seulement que ce serait l’unique condition pour m’inciter à aller me faire vacciner.
Vous prétendez n’y être pas favorable pour le contrôle qu’elle implique mais en revanche, cela ne vous gêne pas de confier cette fonction à des personnes que rien ne destinait au rôle de gendarme : serveurs, personnels de lieux culturels, personnel ferroviaire …
Il est vrai que l’obligation vaccinale demande plus de courage politique que de simplement emmerder les Français non vaccinés.