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Billet de blog 20 avril 2022

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Le silence est une voix

L’abstention ne sera pas élue dimanche. Il n’y a pas trois mais deux candidats à l’élection présidentielle. Le mutisme ne gouvernera pas le pays.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Reste-t-il une maison pour nous tenir ensemble ?

Dresser la liste précise, exhaustive et détaillée, pensée à la lettre près et au bon poids, des raisons de voter Emmanuel Macron, peut-il encore convaincre ?

Mots mille fois entendus.

Histoire déjà connue, de la naissance du Front National, corps ressuscité de la tombe du nazisme, réveillant la haine du juif, du musulman, de l’étranger, de l’homosexuel. À quoi bon la dire à nouveau, non ?

Images déjà vues des nervis haineux tabassant des militants de gauche, tirant sur des voisins sortant de mosquées. Des groupes organisés chassant les migrants hommes et femmes affamés et frissonnant dans les Alpes, hors de nos frontières. À quoi bon les remettre sous nos yeux, non ?

Programme déjà lu de Marine le Pen qui prévoit de modifier la Constitution, de s’affranchir du Parlement, des lois européennes, de mettre à la rue un million d’étrangers, d’aggraver davantage encore l’inaction climatique. À quoi bon l’exposer encore, non ?

Déjà entendues ses positions, prises, abandonnées puis reprises au gré des opportunités : revenir sur la peine de mort, le mariage pour tous ou le délai d’avortement, promettre de tendre la main à un autocrate qui massacre, un peu à l’est certes, mais pas si loin tout de même. Nous voyons encore son sourire, en 2012, valsant à Vienne entourée de néo-nazis. Non ?

Nous avons déjà interrogé nos parents, grands-parents et arrières grands-parents sur la guerre. Déjà demandé : « Alors, qu’avez-vous fait ? » Déjà senti la fierté en entendant leurs petites et grandes résistances, courageuses. Déjà accusé le coup face aux silences. Déjà admiré l’abnégation des nôtres, qui ont traversé des mers et des pays, et fait de l’exil un espoir. Déjà baissé la tête, pleuré en entendant le récit d’horreurs. Il y a de l’Histoire de France qui court dans toutes nos veines. Non ?

Nous pressentons déjà, si Marine le Pen gagnait dimanche, le sort de tant de concitoyens, cibles désignées de l’injure, du poing ou de l’arme. Non ?

Nous savons aussi que l’abstention profite toujours au donné perdant. Que c’est aussi cette force tapie qui a déposé Donald Trump sur le trône des Etats-Unis. Que chaque vote blanc, chaque silence, chaque défection rapproche Marine Le Pen des terrifiants 50%. Qu’il ne s’agit pas d’avis politique, d’un symbole ni même d’un principe mais de mathématiques, comme les deux et les deux font les quatre. Chaque refus de choisir est une demie voix donnée à Marine le Pen. Mais nous avons déjà fait ce calcul. Non ?

Nous avons déjà dénoncé, combattu la politique macroniste, d’une droite dure, parfois cruelle ou paralysante, qui ne nous a pour l’instant préservés ni de la catastrophe climatique, ni de la précarité. Bien sûr, quoi de plus légitime à refuser le creusement des inégalités, et la disparition d’acquis sociaux ? Mais nous avons aussi constaté, déjà, que le Rassemblement National n’offre non seulement rien de mieux, mais surtout bien pire. Dans un corps cancéreux, on ne guérit pas d’abord le souffle au cœur. Non ?

Nous n’avons plus le choix qu’entre eux. L’abstention ne sera pas élue dimanche. Il n’y a pas trois mais deux candidats à l’élection présidentielle. Le mutisme ne gouvernera pas le pays. Non.

Il ne s’agit pas seulement de voter contre Le Pen, mais de voter pour quelque chose de bien plus profond, bien plus précieux et bien plus grand que la candidature de Macron. Une chose qui fait que nous sommes peuple. Français.

Et que nous tenons tous, encore, dans la même maison.

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