1 – Les femmes ont-elles de humeurs variables ?
Les femmes présentent des variations hormonales. Quatre fois par mois en période féconde, de façon très aléatoire en période de péri, pré à post-ménopause, donc tout au long de leur vie de la puberté à la post-ménopause. Qu'elles aient un cycle naturel ou qu'un médecin leur prescrive des traitements hormonaux pour réduire les effets des variations hormonales naturelles ou pour supprimer la fécondité (et au passage leur faire prendre quelques risques 1), elles présentent des variations hormonales.
Elles s'adaptent en permanence à un corps, à un psychisme et à des capacités cognitives changeantes du fait de ces variations hormonales, et ce, tout au long de la vie à partir de la puberté.
Pourtant la société attend d'elles une invariabilité de fonctionnement et d'apparence, basée sur la norme d’un fonctionnement masculiniste linéaire. C'est une injonction contradictoire structurelle et sexiste.
Pour tenter de satisfaire (parfois vainement) à ces exigences de constance, pour tenter de paraitre invariables dans un corps changeant en permanence, les femmes sont en sur-adaptation perpétuelle.
La donna non é mobile, la donna é ultra-adaptable !
Non, nous ne sommes pas d'humeurs variables, nous avons un registre émotionnel riche, nécessaire à notre sur-adaptation permanente pour combler l'écart entre les attentes sociétales de fonctionnement linéaire et le fonctionnement réel de notre corps qui, lui, est variable.
Ce registre émotionnel riche, va s'exprimer ou pas, selon le déclencheur.
2 – Les femmes sont-elles irritables, émotives, de mauvaise humeur ?
Au cours de ma petite étude sur la (difficile) conciliation entre vie active et vie hormonale, j'entends souvent les femmes se décrire comme : émotives, irritables, de mauvais poil, sensibles, à certaines phases hormonales ou périodes de vie. Elles y sont fortement incitées par conditionnement social. La société leur a fait intégrer cette idée que ce sont elles le problème.
Il n'est pas utile de donner le bâton pour se faire (au mieux) battre (voire pire). Les hommes le trouvent bien tout seuls.
Non, les femmes ne sont pas de mauvais poil à tel ou tel moment !
Considérant les injustices qu'elles supportent et qui sont largement sous-évaluées 2 quand elles le sont (viols, relations sexuelles non-consenties – faudra m'expliquer la différence mais bref –, violences, spoliations financières – via le travail gratuit, la sous-rémunération, les moindres héritages, etc. –, dominations, barbaries corporelles, injonctions à cacher leurs états pourtant naturels, etc.), bref, considérant tout ça, je dirais plutôt que c'est à tous les autres moments que nous sommes particulièrement zen, indulgentes, bienveillantes, clémentes, compréhensives, généreuses, magnanimes, souples, compatissantes, affables, aimables, prévenante, amicales, tolérantes à la souffrance (la nôtre).
Et quand bien même il pourrait nous arriver, ponctuellement, d'être, légitimement, un chouilla de mauvais poil, vous oubliez que toute expression de mauvaise humeur a toujours un déclencheur (masculin grammatical ou pas, allez savoir).
C'est comme un bâton de dynamite, si vous n'allumez pas la mèche, ça ne pète pas. Et considérant tout ce qu'elles supportent, tout ce à quoi elles se sur-adaptent tout au long de leur vie, il est assez facile d'allumer la mèche. Les hommes l'ont parfaitement compris qui s'amusent encore, au travail comme ailleurs à nous intimider physiquement ou par des humiliations 3 sur nos humeurs prétendument variables et / ou mauvaises.
Toutes les études psycho-sociales sérieuses montrent que si personne ne nous fait chi.., nous ne sommes pas chi...
Donc, non, nous ne sommes pas de mauvaise humeur à certaines phases, c'est aux autres phases que nous sommes de trop bonne humeur.
Et non, nous ne sommes pas d'humeurs variables, nous nous sur-adaptons en permanence à des variations naturelles que la médecine tente d'éradiquer avec plus ou moins de succès et d'effets sur notre santé.
Adopter des stratégies de sur-adaptation, c'est extrêmement coûteux, physiquement, psychiquement et cognitivement. C'est épuisant.4
Ressources :
- 1 : Les femmes prennent des contraceptifs hormonaux pour se protéger de l'éventualité de grossesse liés aux rapports non protégés alors que 8 femmes sur 10 reconnaissent qu’elle n’est pas sans danger pour leur santé et peut provoquer de graves problèmes de santé. Enquête IFOP 2018 sur la pilule.
- 2 : Tous les événements indésirables font l'objet de sous-déclarations (plus ou moins organisées socialement, institutionnellement, ou par oppression d'un groupe sur un autre) : sous déclaration des effets indésirables liées aux soins reconnus par la HAS, sous déclaration des effets secondaires des médicaments reconnus par le Leem soi-même (le syndicat des entreprises du médoc, qui déclare que seuls 5 à 10% des effets indésirables sont déclarés), sous déclaration des AT-MP reconnus par la Sécurité sociale, sous-déclaration des violences sexistes et sexuelles, sous déclaration de la pédo-criminalité comme l'a montré la Ciivise dernièrement ce qui lui a valu l'éviction de sa direction, etc…
- 3 : 33 % des femmes (sous)déclarent avoir déjà subi des moqueries au travail du fait de leur règles – enquête IFOP 2021
- 4 : Conclusion de l'étude ménopause sur 2000 femmes médecins au royaume uni : "Un nombre inquiétant de personnes ont (sous)déclaré qu'elles avaient quitté ou avaient l'intention de quitter la médecine prématurément. Ce qui est récurent dans les réponses c'est qu'elles aiment toujours leur métier mais qu'elles n'en peuvent plus, et ne parviennent pas à gérer leurs symptômes au travail.
- 4 : Parmi les stratégies d'adaptation que les femmes mettent en œuvre pour concilier leur vie hormonale avec leur vie active, la stratégie qui revient très fréquemment dans les (rares) enquêtes c'est l'évitement de certaines relations sociales. Vous voyez de qui on parle ?