Comme il est dur de parler de différences, coincée entre misérabilisme et fausse naïveté.
Comme il est dur de parler d'ilot, de refuge, de lieu d'accueil
Avoir les mots justes sans être maladroit
Comme il est dur d'être simple pour raconter des gens simples
C'est dernier temps je fus mon unique préoccupation.
Changeons !
Lors de mon arrivé dans la clinique, dans le grand salon rien n'avait changé. Les rideaux de velours aux fenêtres, les rayonnages de livre accessibles à tous, des fauteuils qui vous avalent avec avidité, de lourde lampes allumées en permanences.
Dans ce lieu fermé le monde se fige, la lenteur devient la norme, avec le thé et les petits gâteaux.
Je soupçonne les horloges de retenir le temps de toute la force de leurs aiguilles, d'être au cœur de la fameuse cinquième dimension.
Dans ce salon, je les ai retrouvés, toujours plein de sollicitudes.
J'ignore leurs histoires, ils sont discrets, mais ils sont là, prêts à accueillir chaque nouvel arrivant.
Dans ce monde peu amène, ici, on compense par une extrême politesse.
Devant la maison des ateliers il y a un arbre de papiers, vert et jaune.
Des minis cerfs volants en place des feuilles volent dans le vent, des rubans se déroulent et pour finir, cet arbre a naturellement des yeux et observe chaque visiteurs.
A l'intérieure de la salle d'art thérapie sont punaisés, sans autre forme de complication, des oiseaux oranges dansant sur fond de ciels rouges, des oiseaux de paradis au paradis, des nuages violets, des montages jaunes, des lettres peintes : « amour » noyé dans l'eau d'un godet, des soleils bleus et des maisons roses.Voyez ces personnes qui marchent incertaines, voyez le monde qu'elles peignent !
Leurs rêves sont doux et dorés
Il est vrai que chacun fait taire ses terreurs, ô mon cœur.
Dans l'atelier, les pinceaux s'échangent, les couleurs aussi.
Il existe naturellement d'autres activités
Musique et danse, ou plutôt expression corporel.
Nous réapprenons à bouger, puisque nos sociétés ont réduits la danse à une mascarade pour boite de nuit.ici la musique parle à notre corps.
Nos bras, nos jambes apprennent à glisser sur le rythme de la musique..la musique qu'il faut écouter avec nos pieds.
Enfin on chante, ou plus exactement on découvre le son de nos voix, le son qui sort de notre ventre, de notre gorge. C'est l'apprentissage de nos voix éteintes.
Nous ressemblons à des enfants à la maternelle, c'est l'apprentissage du corps que notre vie d'adulte nous a fait oublier.
Parfois j'ai un peu honte de ce « redoublement », j'ai honte de mes bras, de mes jambes. Pourtant doucement je retrouve l'enfant que j'avais fini par oublier d'être.
Rien de superficiel dans ce travail, notre présence ici nous rappelle avec force combien l'enfance malmenée se venge, caprices, phobies, sont comme de mauvaises herbes et étouffent l'adulte en nous..
Enfin nous prononçons des mots, c'est normal, c'est notre groupe de parole.
Des mots simples
Compréhension, respect, amitié, renaissance...
Des mots autrefois confisqués.
Tant de silence à ouvrir comme un fruit mûr.
La douleur que l'on apprivoise, comme un serpent, une douleur que l'on subjugue pour éviter la morsure, le venin qui empoisonne nos pensées
L'atelier est un petit monde de paix dans une maison blanche faite pour le soleil.
Par grand beau temps sur le sol le soleil dessine des fenêtres blanches car la lumière du plein été est blanche.
C'est un tout petit ilot pour le cœur des enfants qui ont stoppé un jour leurs croissances
C'est ilots sont rares.
Pourtant ils sont indispensables à l'épanouissement des individus, à leurs reconstructions.
Ils permettent enfin à chacun de bénéficier d'une structure quasi-familiale qui s'adresse à des gens que le monde ignore.
Il faut multiplier les lieux d'accueils bien trop rare e n france