Petit conte immergé
Une terre qui reflète le ciel au soir
L’eau l’a prise en possession
Et, La nuit n’ayant trouvé nul autre maitre
S’installa sur l’onde immobile
De part en part des oiseaux transpercent leurs royaumes
Des fleurs prennent racines
De la vase, elles conduisent leurs pétales à la lune
La lune verse des larmes sur les corolles
Des serpents glissent aux milieux des eaux sombres
Il n’est de lieux ici bas
Qui n’emportent leurs malédictions
Sur les fleurs de lune
Se pose un papillon de nuit
Haleine du monde au repos
Il fait des pirouettes et des figures
Danseur
Ses ailes souples égrènent des poussières iridescentes
Autour des feux follets charmés
On distingue sous l’eau
Comme un Léviathan de murs
Un des ces monstres de légendes
Dont le nom même fait frissonner les pages des contes
L’eau épaisse et noir refuse la lumière en ce lieu
Les racines des herbes découragent le regard
C’est par une seule ombre large et inquiétante
Que l’on devine le mystère
Papillon gentil
Nul ne plongera
Je peux te chanter, cependant, le charme des eaux sourdes
Un cœur vivait là
Château de vitraux
Gouttes de cristaux et forets d’émeraudes
Calices d’agates, coupes d’or
Pluie d’argent
Les cœurs font les plus beaux architectes
Tant ils ont besoin d’une pluie de lumières
Tant ils ont besoin d’être phare en ce monde
Un cœur s’enivrait là
Comme les cœurs ont grand besoin de s’enivrer
Aspirer la vie
Inspirer la vie
Expirer la vie
Un sourd orgue battait les tempes
Plus furieux qu’un cheval de fer
Prendre aux sensibles
Rendre aux sensibles
Magie ultime :
Un peu de sels d ‘argent au fond de l’œil
C’est le rêve qui se développe en pelote
Plus infidèle qu’une sirène
Plus vierge qu’une licorne
Un cœur enivré
Tricotait des mots d’amour
Pur laine, cachemire
Sur tout l’océan de la toile
Entre la danse abandonnée de transparentes méduses
La sage cavalcade des armés d’hippocampes
Le sang transparent des calamars
Les abysses
C’est fait pour les vies cachées
Te souviens-tu : il n’est de lieux sans malédiction
Dans la mer, les serpents se tordent autour du coup des sirènes
Dans la vie : il n’est de naissance sans malédiction
Souvent, on a vu le rêveur prisonnier de ses propres prisons
Souvent, on sait que les mots ne savent attacher l’être aimé
Malgré le vaudou et le serpent sacrifié
Mais souvent
Obstinés
Le front butté contre l’impossible
Les rêveurs désirent passionnément l’amour
Inspirer
Recracher la vie
Contempler sa solitude
Comme une feuille de saule jeté à la rivière
Ça se déglingue
Inspirer le sang
Recracher le sang
Prophétie :
Dans l’eau de ses propres larmes
Il viendra à se noyer
Mais grand cœur
Il fera grand feu
Avant de sombrer
Dans l’océan même qu’il coulera de ses larmes
Une terre qui reflète le ciel au soir
L’eau à pris possession
La nuit l’a pris en possession
De part en part des oiseaux transpercent leurs royaumes
Dans l’eau des pleurs
Des fleurs prennent racines
De la vase,
Des saisons oubliées
Elles conduisent leurs pétales à la lune
La lune verse des larmes sur les corolles
Et donne sa bénédiction
Aux cœurs oubliés.