J’ai vu le dernier spectacle de Bartabas :
On achève bien les anges, élégie (le spectacle de zingaro)
Dans le noir
D’un monde avant le soleil
Dans le noir
D’un monde qui a bouffé le soleil
Dans le noir
D’un monde qui a oublié le soleil
Dans le noir
D’un monde qui a renié le soleil
Paissent des chevaux
En liberté avant les hommes
Les larmes montent de la terre
Le pardon descend du ciel
Des anges
De leurs nuages
Se penchent sur la terre
Ils voient les chevaux paître
Le désir fait choir
Les anges glissent par le cordon ombilical qui les rattache au père
Les anges glissent sur le dos des chevaux
Les chevaux se laissent monter par les anges
Sur la terre, ils partent en promenade
Voir les terres de coton
Ou les terres de marais
Voir l’homme faire pousse le coton
Ou pécher dans le marais
Nous les hommes, sommes de grands pécheurs
Contre la terre
Contre les bêtes
Les chevaux promènent leurs yeux tristes
Ils pardonnent
Les anges promènent leurs yeux tristes
Ils pardonnent
Ils pardonnent
A l’alcoolique
Aux chercheurs d’or
Aux chercheurs de crosses
Aux vaniteux
Aux petits
Aux grands
Aux nains
Aux géants
Aux danseurs
A l’acrobate
Aux musiciens
A l’homme
A la femme
Au croque mort
A la mort
A tous le cirque, enfin !
Les chevaux promènent les anges en dansant
Les anges promènent les chevaux en dansant
L’alcool promène le monde
L’alcoolique chante le monde
Le sable rouge vole sous le vent
Le sable rouge vole autour des sabots de chevaux
Le sable rouge colle aux semelles de l’ivrogne
Et donne soif
La soif du whisky
La soif de mots
La soif de musique à offrir aux mots
La soif de la terre qu’on aime rouge sous le soleil
Comme un serpent mauvais à soif de femmes
Dans le monde
Les oies
Les poules
Les pingouins
Ont des ailes comme les anges
Dans le monde
Les chevaux n’ont pas d’ailes
Pourtant
J’en ais vu plus d’un voler bien au dessus de la plaine
Après les chevaux ont fini de promener les anges
Ils les ont rendus aux ciels
Doucement ils sont remontés vers leurs nuages
Et comme les chevaux commençaient à se sentir seul
Ils leurs ont envoyés un peu de nuées blanches
Comme du sucre glace
Sur le dos des montagnes
Anges qui êtes au ciel !
Chevaux qui chuchotent aux étoiles !
Priez pour moi !
Pour que mes poèmes montent z ‘au cieux
Le plus haut possible
S’accroche à la lune
Tel s une larme mélancolique
Que la lune
Comme une madone
Verse sur la terre toute noire.