Requiem pour un parc
Bry sur marne
Ma paresse
Dans les voiles des rideaux
Jouer à la mariée
Jouer à l’indienne dans une tente
Faite de bois de noisetier et d’un vieux tapis
Enfance
Le temps traine en longueur
Jet de lumière dans la pénombre
L’or paralyse l’air soudain étreint
Le temps traine en longueur
Suspendu entre deux nuages
Ou cloué net dans un ciel d’aout
Allongée sur l’herbe
Face au ciel
Face au ciel
Au temps, suspend ton vol !
Quelle grande personne, qui trouva les mots pour une petite personne
Miss taches
C’était mi
Le temps si lointain
Aura bien boxé
Ma vie
Et Bry
Sauf que
Le temps est légitime
Il fait le chêne
Il fait le lierre
Il fait la pierre
Et le papillon
- La cupidité
M’a soufflé, Pipiou mon chat
-Est un truc d’homme
-Une besogne de malins
Un chat
Se baladant
Dignement
Avec le nom d’une marque de petit pois
Ne pouvait être qu’un fin philosophe
Nous avons traversé du monde
Des laitues au poulailler
Des lapins aux cerises
Les premiers deuils
Les blessures irréparables
Naufrages successifs des bateaux amiraux
Et des cocottes en papier
Reste
Ma paresse
Sous un saule
Un tilleul
Un marronnier
A déchiffrer les dessins du ciel
D’autres chats
D’autres leçons
L’état des choses bascula
Et je vis le monde
Comme les mots
A l’envers
La douleur
Invite
Aux inversions
Je fus inventive
Eternel ego
Je veux parler des arbres
Ceux en face de chez moi
En phase terminale
D’une bêtise humaine déterminée
A construire coûte que coûte
Mais
Parler de l’arbre
N’est ce pas parler un peu de soi ?
La noblesse du charpentier
N’est-elle pas issue des racines pétries
L’érable, l’olivier, comme des pains
Et qui n’a regretté son chêne
L’arbre habite l’homme
Le rameau planté en inscription d’un naissance
La berceuse des ifs sur les morts
Devrons-nous trouver refuge dans nos cimetières
Pour parler à ces dernières ombres ?
D’ici peu
Le parc des maisons rouges de Bry va être construit
Ce morceau de vert aiguisait trop les appétits
Qui sont même venus à lui reprocher
D’être une anomalie
Verte
Bry ne saura plus une anomalie
Une peste blanche dit « d’immeubles de standing »
S’est abattue sur la ville
Une peste blanche
Petit à petit
Tout sera passé au Tipex
Les potagers et l’odeur des fèves
Les jardins et l’odeur des lilas
Les derniers pruniers et l’odeur fermentée du mois d’aout
Les derniers cerisiers
Les merles au creux des cerisiers
Le parfum des dahlias en automne, qui n’ont pas de parfum mais sentent la terre et la feuille chaude
Les araignées prises entre les dahlias, sous les premières gelées d’automne
L’enfance
Le pain d’épice
L’enfance
Le bonheur
Le jardin tricote un bonheur d’herbe
Pour tout poil de carotte
Sans ça, la vie eut été trop dure
Sans, la vie est trop dure
Nos yeux fatigués ont besoin de reposoir
La beauté abrite les cœurs blessés
Mais nous continuons à offrir des coffrages de béton
Avec obstination
Aux petites filles et aux petits garçons
Aux abeilles, aux oiseaux
A ces tous petits cœurs
Condamnés à étouffer dans le silence
D’une ville morte