Petite, les parents allaient au travail
Moi j’allais à l’école.
Selon mon père : chacun devait travailler, c’était une loi de la nature.
Les lois naturelles, cela n’a jamais trop ma spécialité,
ou alors celles d’un autre monde, ou j’étais la plupart du temps,
allongée dans l’herbe du jardin.
L’avantage de cet autre monde c’est qu’il est portatif,
Il me suit, toujours et partout.
A l’école, il était déjà là.
C’est ce qui a compliqué bien des choses.
L’école est obligatoire, les parents aussi, à l’exception des orphelins.
A l’école j’ai eu très vite des problèmes de français
et très vite des rendez vous chez les orthophonistes.
Maman disait, ce n’est pas dur, il faut photographier les mots.
Malheureusement le ziozio que j’ai dans la tête a toujours
était picoré ailleurs que sur l’orthographe de mes livres,
qui pourtant ils m’ont toujours accompagnés (et sauvés bien des fois)
Maman lassait parfois, normande, elle attaquait rapidement la pédagogie paysanne :
une faute = une baffe, c’était vite épuisant, j’avais la joue rouge.
Elle avait la main rouge,
Je ne progressais pas des masses.
Mon père me laissait avec l’orthographe,
lui aussi ayant maille à partit avec les doubles consones.
En vérité tout avait commencé comme ça :
En cours de fiançais
C’est dans un cour particulier de français que mes parents se sont rencontrés
et moi je suis née… dyslexique.
Si ce n’est pas de la génétique, ça.
Malgré la pédagogie normande j’ai toujours eu zéro en dictée,
j’ai arrêté d’avoir zéro lorsque la dictée ne fit plus partie du programme.
J’ai bien essayé d’être logique :
Par exemple, le mot : courant
Je l’écris souvent avec deux r, pour mieux courir.
La logique ne fonctionnant pas,
je suis restée encline à des solutions purement esthétiques.
J’associe ce que je trouve jolie dan un mot.
Pour les mathématiques, j’ai eu vite un problème aussi.
Les a et les b me pourchassait encore, pour s’additionner,
se multiplier, faire des petits, un peu partout,
avec des rapports adultérins avec les c.
Très vite la généalogie envahissait le tableau,
mon cahier, comme je pouvais,
je ne suivais pas assez vite les affaires de famille…
Les maths, c’était l’affaire mon père.
Ma génétique fut en grève pour cette matière, lors de ma conception.
Mon père m’expliquait les mathématiques,
sur des feuilles liassées et délirantes à lignes bleue, trouée sur les bords,
vu qu’il était informaticien.
Il commençait calmement, avec au final, une pédagogie piquée à ma mère,
sans aucune raison, puisqu’il n’était pas normand mais parisien.
Bref ça terminé par des baffes.
Pour le carnet, ça commençait par des baffes,
suivi par mes premiers cours d’économie sur la vie à l’usine.
L’école devint vite une affaire de zéro et de baffes.
Suivi de cours de sociologie aussi,
du déshonneur d’appartenir à la classe ouvrière.
Un déshonneur pour moi
Pour eux
Pour la classe ouvrière ? Cette question n’a jamais été traitée.
Ce n’était pas drôle.
En plus il y a toujours quelqu’un pour vous dire des choses de méchantes .
Je pleure dans ces moments.
Je crois que j’ai pleuré pendant toute ma scolarité,
de la maternelle à la maitrise de droit.
Apres, aussi, en entreprise.
En entreprise il y a toujours un chef teigneux ou un collègue qui vous guette.
L’entreprise, c’était l’école sans les parents.
Je n’avais plus de baffe mais j’étais seule.
Je n’aimais pas tout ça.
Je n’avais plus de jardin dans mon appartement
et je m’ennuyais comme mon chat d’appartement.
Nous regardions le soleil à deux, les oiseaux aussi.
Nous rêvions arbres et vols, en écoutant de la musique.
En licence j’avais découvert le xanac .
J’ai découvert la criminologie gavée de tranquillisant.
L’étude des causes de déviance m’a été, disons, naturelle.
Pourtant je n’ai pas persévérer.
Avec le temps, je n’ai pas de regret.
Je suis une vraie déviante, et j’ai dévié.
Face à la désolation de la vie à l’usine,
des menaces de pensions, j’ai essayé la ficelle autour du cou,
pour constater qu’arrêter de respirer n’est pas si simple et douloureux.
Le xanac est venu dans ma vie pour faire face à la vie, justement.
Au fond je voulais vivre.
Mais une loi était rentrée dans mon corps,
les hommes étaient triés,
placé entre le premier de la classe avec une mère poule gonflé d’orgueil
et un dernier avec une mère poule penaude,
sur la quelle s’acharner toutes les autres poules,
fières de leur méthode d’éducation.
Maman faisait partie du clan des penaudes et moi j’étais malheureuse.
Je voulais faire plaisir mais j’en étais incapable.
Je n’avais qu’une capacité :
gribouiller et j’aimais cela, mais aucun dessin ne remplaçait les zéros en dictée.
Plus je grandissais plus je comprenais le désastre.
J’ai grandi à la japonaise : Le diplôme ou harakiri.
Mon second harakiri, je l’ai fait en licence,
avec une bouteille de cognac et un tube de lexomil.
Je me suis réveillée à l’hôpital,
et j’ai vite repris mes cours pour mon examen.
Le xanac adoucissait tout.
Une phobie du monde extérieure naissait dans mon ventre.
Passé mon terrier, je traversais la jungle.
Je connais toutes les toilettes de paris.
Le xanac m’apparut comme une bonne solution de cosmonaute en mission sur la terre.
L’alcool est une rencontre professionnelle assez courante
dans les entreprises d’assurances,
surtout pour la fin de génération que je remplaçais.
Avec mon mal de ventre, mon chat et moi,
lors des orages d’été, nous écoutions Don Juan
et regardions la foudre illuminée la banlieue.
Au troisième verre, je trouvais cela magnifique,
la vie enfin belle.
Au quatrième, j’étais en paix avec moi-même.
L’alcool est un voyage, des vacances à bas prix.
Une petite lobotomie, un découpage des zones du cerveau : les plus douloureuses.
Mon mari n’a jamais pu m’empêcher de jouer avec mes ciseaux, il arrivait trop tard.
Et même si désormais je gribouille en grand,
le sevrage m’apparait comme une vie sans vacances,
un lieu sans possibilité de poser mes valises et c’est presque cruel.
Un monde froid comme l’acier.
Je suis un cheval avec œillère.
L’alcool fait souffrir mes proches, que j’aime.
La sagesse me fait souffrir.
Il n’y a pas de solution a l’équation…
Encore une équation…
Je n’ai jamais eu de réponse aux équations…
Ps : fin de l’auto biographie.