Délicate après la pluie
Une goute d’eau
Tient vengeresse le ciel prisonnier
Une aile d’alouette, un cri
Tout bascule
Laisse le soin au soleil
De murir ce tout petit prolongement d’arbre
Pas encore écorce
Pas encore fleurs
Qu’est le bourgeon
Sitôt les feuilles
Envolées dans le vent d’hiver
Dévoilent l’arbre
Nu sous un ciel sombre
Qu’ils soient
Dans une totale solitude
Déchirant l’horizon
S’adressant, les branches dressées
Aux cieux
Tous ces dieux
A tous les diables
Le diable
Roi triomphant de ces campagnes solitaires
Etranglé de peur
Sous l’ombre rapide
Du choucas et de la chouette
Le reproche de l’ancêtre mal enterrée
Le sort jeté, invisible et certain
Plus dur qu’une pierre aux labours
Plus sombre qu’un cri pris dans le vieux puits
Ou arbres retenus en fourrés
vieux et tordus
Pris
Dans une marche groupée
De un long pas Immobile
Sous un ciel blanc
Sitôt passé
Ce douloureux solstice empli de nuit
Et de draps froids
Le regard court sur le chêne ou le saule
Il dévore
Il détecte
Il attend
Il guette
Il s’accroche
Il appelle
Il a foi dans ce temps terrestre
Qui pousse les jours
Les lunes et les soleils
Les révolutions tranquilles des saisons
Qui nous tiennent en attente.
La première neige
ce premier flacon
Qui dans la nuit se détache
Attiré dans la lumière du village
La première glace du torrent là-bas
La première perce neige
La première cigogne
Des petits sachets de plaisir que la terre nous réserve.
Dans ce bourgeon
Je vois déjà
Le pique nique ou la table sous l’ombre douce de l’arbre
Les fraises en compote
Les abeilles
Un livre abandonné
La balançoire des enfants
Les cris qui percent les volets clos de la chambre
Toi et moi dans le lit
Tendu à notre écoute intime
Empli de ces bruits d’été.
Parfois, tu donnes une main amusée à la voyante
Qui te prédit fortune et santé
Moi je mets la main sur le bourgeon
Qui me rappelle ton amour
Et l’amour tout simplement
Toutes les femmes sont un peu sorcières
Tous les arbres sont un peu mystiques.