Le jardin ce matin
Promène sa songerie mélancolique
Pluie d’été
Les ombres mouillées des fleurs
Alourdissent l’ombre ténébreuse des buis
Sévères gardiens des lieux passagers
Les fleurs
Elles balancent lourdement leurs têtes
Désolées du désordre
Mis dans leurs corolles
Robes de bal des débutantes
Fripées par un vent barbare
Larmes messagères du ciel
En dedans
Un nuage souffle
Une caresse à la feuille
Berce sa ramure
Gonfle sur l’écorce
Conte enfin ses émois aux mousses
Noueuses émeraudes
Chaque caresse est unique
Les mots du ciel
Dans le sage retenu d’une averse à peine tenus
Des avances à peine prononcées
Puis dans les feux sauvages
La bataille houleuse des orages
Lettres incandescentes
Transcendant l’amour en lumière
Aux chênes, aux hêtres, aux bouleaux
Aux roses, jacinthes, pivoines
Orties, ronces, aubépines
Le ciel
Immense
Appelle par son nom chaque esprit
Ô puissance infini
Il possède pour chaque être
Une goutte d’amour
Sans doute
Est-ce cette musique
Qui retient tant notre oreille
Qui scrute dans l’ondée
L’ordre aquatique du monde
Transparente armée de la terre
Dans ses vagues
Les mots versés du ciel
Troublent
L’ordre indolent des nénuphars
Jusqu’à leurs racines
Engrosse la vase
De légendes troubles
Confiées aux soins
Des nocturnes Feux follets
Par d’autres courants
Dans le jardin
Les enfants sous les arbres
Frileusement
Apprennent les pages de leurs premiers ennuis
Attendre
Attendre
Que le monde se prête aux jeux
Celui tient en sa main
Le secret du temps
Des marelles
Le nombre
De notes blanches
Entre terre et ciel
A chacun attribué
Non
Jamais je ne retrouverais
L’ombre portée de mon enfance
Façonnée
Dans un jardin à jamais détruit
Pas plus le gout des fèves dans ce potager
Lui aussi
Bousillé
L’avenir de mon enfance a connu de terribles conneries
Qui ont retourné mon cœur à l’image une terre de labour
Les oiseaux noirs y déploient le soir
Leurs cris d’effrois
Quelques sont les fruits mis en semences
Les blessures sont immenses
J’eu préféré une simple chandelle
Aux jeux cruels des souvenirs
La place des absents
La poste restante dans ancêtre
Pour transformer chacun de mes regards aux ciels
En questions mêlées de prières
Glaises et pierres
A attendre la réponse
Des ondés
A l’instar des tournesols
Eternels orants des champs cultivés
Reste ce parc sous ma fenêtre
Pris entre l’entrelacs géographiques de mes souvenirs
L’enfant y trouve toboggan
Et moi
Trace d’un antique verger
Les pommiers sont morts
Mais les pruniers sont chargés de fruits
L’odeur des fruits blessés se mêlant aux pluies passagères
Rappelle à jamais mes premiers jardins
Où chaque matin ouvrait une page de saison
Parfois bien en désordre
Glissant une page d’automne
En pleine été
Là
Bétonneuses
Affaires d’hommes
Hommes d’affaires
Affaires tristes et banales
Le parc dans sa simplicité
D’un verger épargné
Doit être sacrifié au nom du grand Paris
Bâtiments
Bâtiments
Sans espace
Enfances sans paresse
Sans arbre
Où s’abriter de la pluie
En écoutant le chant qu’offre le ciel à la terre.
Nous devenons les indifférents
Des nos cités sans âmes
Ou les âmes différentes
De ces villes grises
Mais terriblement souffrantes.