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étaleuse de peinture, cogneuse de clavier, en cavale par nature mon site peinture : www.afont-tableaux.fr

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Billet de blog 14 avril 2012

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Stains

c’est une ligne

un train

que l’on prend

résigné

même sans savoir

déjà même

sur le quai

gare du nord

banlieue nord

nous sommes là

familles multiples

hommes et femmes variés

manteaux fatigués

sacs usés

seul le cri des enfants

rappelle la force

de l’espoir

a coté

le silence du vieux

une canne à la main

égrainant son chapelet

le regard lointain

si lointain

RER Gare du nord

ici la vie s’engouffre

pas vraiment pour le meilleur

pas forcement pour le pire

mais nous savons déjà

idée du désastre

direction la plaine Saint Denis

La Courneuve

Stains

peu importe

c’est toujours

les mêmes terrains vagues

le ciment effondré des usines oubliées

le plâtre, les gravats

la tristesse de l’abandon nous étoufferait

si ce n’était

cette signature

des fils des villes

d’invisibles tagueurs

ont fait renaitre des murs

au milieu des herbes folles

des noms

des visages

ici naissent

sauvagement

comme un cri

ici la vie est crue

ici la vie est dure

la vie est dure à abandonner

et le vent souffle sur les plaines

encore un train qui passe

en dessous les périphériques tranchent les villes

une poussière monte au ciel

repousse le soleil

ici la lumière est blanche

un peu bouchée

presque lointaine

des boulevards donc

saignent les villes

trop peu de bus

et le trafic est infernal

de zones industrielles

en zones commerciales

une banlieue de discount

promotions sauvages

publicités cruelles

qui achèvent

de sertir le paysage

d’onomatopées  géantes

aux couleurs acides

aux couleurs cyniques

victoire du plastique

un peu plus loin

dans le train

une petite fille tient la main de son père

habillée comme un bonbon

de gaze et de satin rose

ici les petites filles sont en polyamide

ça brille terriblement

et c’est gai

sa mère en sari lui rajuste un ruban

un ruban rose, bien sur

à coté une femme en noir

a coté une africaine en boubou

à coté je traine mon jean

non

je traine en robe

une fleur à la main

c’est dimanche

et nous allons les voir

c’est une maison rouge

plus exactement une moitié de maison

aléa des droits de succession

tombola des héritages

une maison du début du siècle

je veux dire

du XXème siècle

de celles que l’on construisait

pour une vie sans fioriture

préparée pour le nécessaire

ponctuée de noëls et de baptêmes

peu d’excès

ici tout est compté

le pain, les mots, les fins de mois

une toute petite maison

entourée d’œillets d’inde

une allée en gravier

un fil pour le linge

un fil de mémoire

l'Ariane d'un petit clan

en face

la vie compacte

de celles construites rapides

épidémies des trente glorieuses

ahurie, inconsciente

pressées

les familles empilées

les vies compilées

alors

avec la lune

est venue

la révolte

aux rythmes

des grandes marées

vagues aveugles de colères

océan d'amertume

des voitures brulent sous les étoiles

mais aujourd’hui la journée est calme

les enfants jouent sur les balançoires

les ballons rebondissent

une grand mère derrière ses rideaux les regardent

Ajuste ses lunettes

ne comprend pas tout

les tours qui poussent

les tours qu’on rase

les grandes marées

les jeux des enfants

ces migrations d’oiseaux

ces migrations d’hommes

la volonté de vivre

alors

elle soupire

et reprend ses mots croisés dans son fauteuil

c’est dimanche

elle a acheté des gâteaux et elle attend son fils

elle a tant de journées à la fenêtre a raconter

tant de jours

tant de vies

tant d’histoires.

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