ICI, le métropolitain.
Ici, c'est si simple
Cela tient, se ferme, ce case en trois lettres
Deux i, voyelles
Un c, comme consonne
C’est tout
Ici, pointe le lieu de géographie
Simple lieu ou s'installent les choses
même forts primitives :
Les berniques sur la roche des grèves
Ici sont les gens
En absence de chez eux
Sauf qu'ici ce n’est pas la permanence
Ici logent les hommes sans lieux fixes
Je dis lieux
Sans dire toit
Le lieu est aussi une zone géographique
Petite, circonscrites,
Un lieu qui nous appartient et nous protège, donc.
Même sans toit.
Le toit, geste ultime de protection
Contre le froids injustes de nos hivers
Ici sont les sans lieux
Ils glissent comme des morceaux d'iles, sous terre.
Sous les voutes de faïence toujours blanches
Le métro parisien est un fleuve souterrain
Qui charrie sable et limons
Qui charrie vies et destins
Une rame par minute
Hors du soleil
Nos vies glissent entre les bras d'un delta impitoyable
Cette femme en cachemire beige et sac crocodile
Courre après son briefing
Ou son débriefing
sans un regard pour
Cette africaine, l’enfant drapé, accroché sur son dos
Traine ses courses
sans un regard pour
L’étudiant plongé, lointain dans ses notes
sans un regard pour
L’adolescent résolu au refus.
qui interdit
tout regard.
Station nation
RER A
Sept cent milles personnes ont un but, c’est écris sur les écrans d’informations.
C’est janvier et vous êtes déjà la depuis deux mois
Le corps allongé au maximum pour tenir entre ces invraisemblables
Fauteuils rouges ,
Sortes de vulves,
Matrices sous terraine.
Ici tout est sombre
Même la lumière
Voila longtemps que la poussière à tout étouffées
Inconsciemment tu lèves la tête
Pour chercher le ciel par instinct
pour ne trouver qu’une voute triste
manger de ruines et de calcaires.
Ici reviennent les mêmes hivers
Et les mêmes hommes.
Station Iéna descendent les skates bordeurs
Ils glissent sur le palais de Tokyo
Le bassin sous l'architecture grise
Reflète le ciel
Souvent gris aussi
Des tags comme un lierre mauvais grimpent sur les sculptures de pierres,
Tatouent sans égard le sein même des déesses.
Station Kleber
Un quai absolument vide
Un homme dort assis callés entre ces deux paquets dans un fauteuil moutarde conique.
Ils sont privés d’abris
Ils sont privés de sièges, enfin de ceux qui permettent de reprendre son souffle, quelques heures dans la journée. Les si essentielles heures de sommeil pour ne pas devenir fou, pour ne pas devenir encore plus fou.
Place Trocadéro
Acheter
Les tours Effel furtives
Souvenir
Des marchands sénégalais
Descendre les marches
Vers la seine
Station châtelet
Trafic, tunnels et sorties
Des tas de mains d'échanges
Une survie furtive aux creux des foules
Sur les murs
L’œil n'est jamais au repos
De trop grands sourires
Une mer toujours trop bleue
Les murs du métro vendent le monde
En petite parcelle
À petit prix
Enfin c’est la réclame.
ici le regard n'est jamais libre
Rien n'est gratuit
A moins
Que viennent
Les graffitis
Qui éructent
L’obscène et la révolution
alors passent les mots insoumis
ici reste une trace d’homme
Minable, sublime ou pathétique
c’est toujours un cri
que les murs projettent
les uns et les autres
en un écho infini
jusque dans nos pensées
Dans le tunnel
Tu avais fabriqué
Un lit de carton
Avec des dossiers
Dans l’un des cartons
Ton frigidaire
Si je puis dire
Dans un autre
Serviettes et savon
Un radeau de carton pate
Un rangement coute que coute pour une vie ordinaire
Tu dors
Passent
Les gens du nord
Les gens du sud
Nous passons décidés et rapides
le regard chargé de gênes
D’un truc que l’on ne sait préciser
Mais c’est moche
Sous la seine
Courent les uns
suvivent les autres
Voila longtemps
Que nos eaux
Ont cessé de se mêler
Voila longtemps.