La fille qui ne valait rien
Dans le miroir
Blanche
Fantôme vivant
Peau translucide
Cœur immobile
Le miroir
Peine au reflet
De ta peine
D’être une fille de rien
Etre une fille de rien
Me direz-vous
C’est rien
Gratuit
Est le vent sur la peau
Le soleil sur la peau
La lune dans le ciel
Pourtant
Etre rien
C’est l’enfer sur la terre
La parole même
Me direz-vous
A la liberté des lucioles
Non
La mienne gratte ma gorge
Comme un vieux pull
Crache un peu de sang
Aussi hémophile de mes sens
Je me suis tue
Ma parole
Est une pluie de l’esprit
Me direz-vous
Les larmes aussi sont gratuites
Comme le rire
Larmes et rires vont sans doute sans compter
Dans une vie peu avare de fêlures
Je porte plus d’eau
Qu’un nuage d’orage sur un champ de blé
En fin d’été
L’été finissant
Celui qui colle aux basques du promeneur
Cette ombre brume
Longue à l’infini sur les chemins de pierres
Et emplit le regard de l’errant
L’horizon fou des corbeaux noirs
Sur un chant de blé
Ceux même
Aux sanglots longs
Qui blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone
Le souvenir même est gratuit
Je suis une fille de rien
Douée de malfaçons
La société s’accorde à 819 euros les reprises sans garantie
Là
La femme mariée s’en voit renvoyée au mari et à son salaire
Si celui dépasse le 1638 mensuel
Elle est une fille de rien
Faute d’être d’une fille de pas grand-chose (elle déjà une fille niée)
Trop peu pour vivre seule
Sans solution pour la femme à la maison
Qui doit négocier sa bulle de survie chaque jour
Je passe sur les frais de psychothérapies, d’aérothérapies
Les dépassements d’honoraires
Le trivial de la folie
Une foule de professionnel là rassure sur ses performances
C’est leur travail
Mais c’est difficile d’être un être humain
Sans pièces au fond des poches
Sans le désir personnel d’acheter un journal ou une religieuse
Là-bas un homme hoquette
Vomi sa bière sur le sol d’une rue
Nos villes sont emplies d’hommes ou de femmes couchés
Leurs corps délavés, désaxés, massacrés, niés
Ecrasent leurs ombres entre un vieux manteau, voir une couverture et le bitume
Leurs vies s’étouffent entre trottoirs et détritus
Parfois
Ils émèchent à peine sous de vieux journaux
Qui racontent les mariages princiers, les dividendes et même parfois un peu l’augmentation du prix du gaz ou de l’essence
Le cout d’un Smig
Et là-bas
S’agitent
Une race d’imbéciles arguant de la sacralité de la vie
L’enfant jésus dans son étable
Entre l’âne et le bœuf
Pourtant ce sont toujours les mêmes faubourgs
Qui transforment les bébés en clochards
Sdf
Fous
Demandeurs d’asile
Délinquants
Oui
En vérité
La vie est un miracle.