Et surtout la santé…
3 bouts de pommes
3 bouts de pommes
Suivent grand-mère
Dans nos ruelles
Nos trottoirs accidentés
Grand-mère croise d’autres grands-mères
A croire
À vue de pommes
Vivre dans une ville à grands-mères
Car ma ville trottinait toujours tout doucement
Grand-mère passait
Dans la grande rue
Le poissonnier
Le poissonnier avec son décor de poissonnier
Filets cloués aux murs, boules de verres, étoiles de mer
Le marchant de petits outils électriques, tourne disques, mange disques, dans un bac de pauvres vinyles chantaient l’ennui
Le droguiste, vendeur de drogues
Le marchand de grain pour les poules
Grand-mère ayant un poulailler, nous faisions nos emplettes
Je me rappelle encore, cette fontaine en faïence bleue où nageaient des poissons oranges
Petitement
Je mettais mes pas
Dans les pas de grand-mère
Souvent
Les grands-mères s’en vont par bandes
Comme les écoliers de notre école
Les grands-mères des vieilles villes
Se rencontrent dans la grande rue
La grande place du marché
Les pieds choisissent
Le pavé le plus sûr
Toutes sorties de grands-mères
Restent une exploration
Hélas sans apesanteur
Je jure qu’elles envient cet Armstrong qui sautilla au-dessus des pierres de lune !
La NASA
Je vous dis qu’elle ne fout rien !
Elle devrait inventer une combinaison d’apesanteur à mémés
Sur nos pavés, on se contente
D’un petit pas pour le chat
Et d’un grand pas pour commérer
Bout par bout
Toute grand-mère est une héroïne de plongée libre
Belle comme ces tortues glissant en grande profondeur
Possédant les mêmes yeux mêlés de larme, d’impuissance, de patience devant une mer qui va décidemment trop vite, emplie des messages sonores, énigmatiques, des dauphins, et de tous les autres mammifères marins ou non
Mémé, donc, croisait d’autres mémés
Vers la mi-janvier
Une musique de mémés s’élevait par-dessus les grandes rues, les grandes places, la petite église et ces Prie-Dieu poncés par les génuflexions de chacune, le cliniquement doux, quasi mécanique des chapelets égrainés
Parfois il neigeait
Et leurs bottines tâtaient la glace
Les dimanches matin
Elles calaient consciencieusement au-dessus du caddie
Les boites à gâteaux
Et je connais plus d’un Paris Brest qui ne rattrapa nulle gare
Janvier
Chacune
Chacune trottine prudemment
Place du marché
On s’agite, on tâte, on invective, on pèse, on achète poires et poireaux
Janvier
Les sacs à commissions s’entrechoquent
On se croise, on se reconnait, on philosophe
On philosophe, la vie, la mort
Car elles sont là, en embuscade, leurs doigts tordues d’arthrite peuvent les toucher
Janvier donc
Et de petits pas en petits pas
Des rencontres en salutations
J’entendais toujours les mêmes mots
« -et surtout la santé »
Pour ma part varicelle et jaunisse
M’offraient un temps béni
Ne pas aller à l’école
Rester au lit, maman m’achetait des livres
Était gentille, remontait la couverture sur mes épaules
Aujourd’hui même
Du fond du lit de mes cliniques
J’habite ma maladie comme d’autres une résidence secondaire
A chaque pas, la copine, la voisine….
Toujours le même mantra s’échappait du récitatif :
Et surtout la santé !
Revenons à mémé et ses vœux de santé
Moi la santé
Je courais
Sautais à la corde
Pédalais dans le jardin
Taquinais les poissons rouges du même jardin
Fabriquais des cabanes et des arcs
Moi la santé
La vie coulait
Dans l’inconscience d’un temps arrosé de grenadine
Et surtout la santé !
Le mantra des vieux suivait la cour de ses méandres
Dis-moi, feuille blanche,
Quelle erreur avons-nous fait ?
A quelle loi avons-nous désobéi ?
Là je passe et je reprends malgré moi les vœux de mémé
« -et surtout la santé ! »
Cette année sera donc l’année des vœux riquiquis
Tous ces vœux :
Découvrir l’Amérique
Apprendre le japonais
Devenir pécheur de perles
Ou magicien
Tous ces vœux
Intermittents des jours heureux
S’en vont avec l’eau des caniveaux
Déshabille janvier et ses espérances
Reste à attendre dans les feux de la saint Jean
Une chance pour rechercher à travers les flammes
Nos enthousiasmes d’antan
Je signe Anne +Bruno , mon mari, qui a corrigé mon texte d’origine truffé de fautes d’orthographes