La femme légère
La main blanche sur la vitre
Le front contre les gouttes
Car chez moi
Ce n’est pas l’hiver
Ce n’est pas non plus l’été
C’est le gris
Qui s’accorde merveilleusement avec notre architecture de béton
Et nos trottoirs souillés de plastiques
Le front donc contre les goutes
face aux nuages obstinés
Campe la femme sous influence en peignoir blanc
Ainsi c’est l’heure noire
Les heures vides d’un cœur exsangue
Ou l’horloge vous broie la tête
Et l’aiguille transperce la peau, ennemie intime
Ainsi c’est l’heure noire
De la mélancolie qui oublie
Le chant de l’oiseau
L’aurore
Les paupières closes de l’enfant
Le point des révolutionnaires
Mais la femme légère
S’applique dans la légèreté
Car la souffrance n’a d’importance
Que dans un sentiment appliqué
Comme cette légende façonnée par milles et milles lèvres
milles et milles langues
telle la pierre dans le courant
pour le murmure de vers éternels
Peignant l’errance d’Ulysse
Ou cette histoire de roi aveugle
Ou ces chevaliers…
Et toujours la beauté des quêtes
Donc
Dans l’intime tanguant de la femme
C’est le temps
Ou la mélancolie se métamorphose
Par un ultime sursaut
Un ultime reflexe
Donc
La mélancolie
alchimise
L’élégant spleen
Et la femme légère
Qui voit le monde marcher
Contre sa vitre
Porte un peignoir blanc
En peau de cocon
Tant la soie adoucie l’abandon
Puisqu’enfin
C’est l’heure sombre de la femme légère
Qui s’appuie contre la vitre
Faute de tenir face au monde
avec
Un verre de quelque chose
Qui l’a fait voyager
Parmi ce monde
Plus encore
Peuple de chimères
Aux creux du vent
Et toujours
Parmi les nuages
les merveilleux nuages
Par la fenêtre
Elle voit
L’enfant au cartable
Elle lui tient la main jusqu’au bus qui passe en soufflant tel un buffle à la charge
Elle accompagne l’enfant
Et elle chante…
Que chante-t-elle ?
De vieilles cantines
Pomme d’api roule au creux des glaçons…
Et la goutte sur la vitre
Doit autant aux nuages
Qu’a ses yeux fatigués de trop de nuits absentes
La femme qui boit
A la lumière blafarde du jour
Anone les mots de Verlaine
Et la ville écrase son cœur
La femme qui sombre
Dans l’appartement
A juste mis sur son visage
De la poudre blanche
De la poudre rouge
Pour être
L’insecte élégant
Le doux papillon
Qui meure en chantant
Quand un amant l’oubli
La femme qui regarde la vitre
A mis suffisamment de khôl
Et un rien de distance
Dans la chute
Comme elle
Cette Butterfly
Qui mourut de fatigue d’amour et d’excès de somnifères
Derrière les rideaux de son appartement parisien
La femme qui boit
Porte des perles
Pour le nacre de la douleur
La souffrance
Travaillée en esthète
Ne saurait être perdue
Et comme ce bol de porcelaine
Indispensable pour boire
Toute liqueur de vie
La femme qui sirote
Contre la vitre
Sourit
Aux idées vides
Comme aux nuages perdus
Comme aux inconnus
Car c’est sûr
Ce sont des inconnus de nos équations personnelles
Dont monte notre chant
et l’art des dandys
aux cœurs
Immaculé de noir