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étaleuse de peinture, cogneuse de clavier, en cavale par nature mon site peinture : www.afont-tableaux.fr

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Billet de blog 28 août 2017

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La gueule des choses

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La gueule des choses

Ouverture

Accueil plutôt froid

Le frigidaire en mode reproche

Comme un potager sans serfouette

Excès de vacances

Les cornichons

Rabougris

Abandonnés

Mollassonnent (action du cornichon dépressif)

Choses délicieuses et rancunière

Peu de chose de ma mère

Il existe peu de chose

Mon enfance

S’apparente

A l’oubli du cornichon

Pourtant, elle préparait bien les cornichons

Un geste d’amour

En enfance difficile

Le geste d’amour

Est gros

Comme un diplodocus

Prenez des cornichons

Laver

Saler pour dégorger

Bocal à élastique

Vinaigre de vin blanc

Grain de poivre et estragon

Ma portion de cornichon

Offerte au marché

Tombe la tête

Abandonnée

Dans la certitude aseptisée

Du frigo domestique

Moins 5 degrés exactement

Sur la table

J’examine les petits corps

Les prendre ?

Les réchauffer ?

Les mettre

Sur une table

Et les croquer ?

Mais le cornichon morne

Se refuse à l’état de muse

Pourtant j’ai à mon actif

La poire

La pomme

La fraise

L’artichaut (c’est plus hardi)

La grandeur du cornichon mourant au fond d’un frigidaire

Faudrait le talent

De Delacroix

Le radeau de la méduse

Pour décrire les désastres

De l’indifférence

Une vie en solitaire

à mener a travers la tempête océanique

Du sel des larmes

Le cornichon

Offre une mine malade et pale

Un tantinet verdâtre

A son travail de portrait

A l’inverse

La tête de lotte rit de toutes ses dents

A l’instar de Danton sur l’échafaud

Gueule horrible et magnifique

Peindre

Des betteraves et des carottes

Des radis et des betteraves

Une tête de raquasse héroïque

Ou

La tête de raquasse

Championne des roches

Peinture inutile ?

Vielle prouesse ?

Le vent de printemps berce les tulipes

Doucement tremblent la robe bicolore des pétales

Ceux-ci sont en accent circonflexe

Les étamines croisent leurs cœurs

Belles comme une peinture flamande

Le geste du peintre

Qui sut capturer

Souligner au regard des autres hommes

Les flammes enlacées au fond d’une corole de tulipe

La buée humide d’une grappe de chasselas

La douleur hémorragique d’une orange pelée à vif

Par effet retour

Redécouvrir dans un marché du sud

La forme d’un cédrat

La blanche mollesse d’un pâtisson

La délicatesse de la fleur de courgette

Ou les yeux d’une tête de colin

Surpris dans un étonnement mortel

Je déambule dans les allées

L’appareil photo mode on

Regarder

Prendre en compte

Une forme

Une lumière

Une vie

Une mort

Une douleur

Une joie

Regarder tient plus de la question

Que du constat

Regarder

Du bord d’une poissonnerie

Au bord d’un périphérique

Les ruines d’un martelât sous un pont

Une marchande d’épis de mais grillées

Le regard n’est pas toujours la bienvenue

Partager le regard ennuyé d’un banc de sardine

Sur le lit de glace d’un étale

L’observateur est coincé entre

Méfiance ou moquerie

Toi

Toi

Qui

Es-tu ?

Mais qui fait l’artiste en maraude à la recherche de sujet ?

Quoi fait l’artiste ?

Un mec qu’a du bol et des tunes

Où un nigaud raté

Un loser entêté

Et le photographe

Pour qui tu bosses ?

Pour qui tu aboies ?

Un curieux

Casse-toi !

Un fou

On rigole mais

Barre-toi, pareille !

Vient le temps du regard chassé

Mis en muselière

Le monde veut vivre ses petites affaires

Sans témoin

Au silence

Dans la méfiance

Dans le mépris

Quitte à étouffer

Un rien

Un détail

Un bout d’écharpe rose sur un banc

Un sac pris dans une branche de marronnier

Les membres tordus de la vieille femme décidée à trimballer son cabas dans toute la ville

La femme ouvrant une boite à livre, trouvant un exemplaire de l’homme révolté de Camus

La vie simple

Ou la vie torturée

La gratuité de l’attention

La fantaisie de l’interprétation

La fantaisie, le fantasme

Le théâtre d’ombre

Refuge de l’enfance troublée

L’œil est le terreau

De notre pensée du monde

L’œil est un refuge

La vie n’est jamais si brute

Sous l’orage même

Se profilent

Des musiques d’émeraudes sous un ciel transformé

Dans la toute brillance des éclats de l’acier

Entre les rails poussent des coquelicots sauvages

Comme les graffitis sur les murs des ateliers abandonnés

Homme ! Accepte d’inviter chez toi

Le passant comme l’étranger

Le dilettante

Celui dont le regard te peindra un jour

Celui qui sera le conteur des choses de la vie, de ta vie.

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