Le tombeau de Wilde, balade au Père Lachaise
Dans un ciel de nuit
Quand la lune éclaire la lande
J’aime
A voir vagabonder mes rêves
Entre chiens et loups
Ma tète penchée
Livre à l’océan profond
Des pensées nocturnes
D’étranges chimères mêlées aux lys des rivières
De longs songes monocordes habités de serpents rouges et noirs
Ne jette pas de pierres
Aux charades amoureuses
Un jeune homme pris d’alcool
Flotte entre chiens et loups
Autour
Dansent les lutins malandrins
Et tous les elfes d’Irlande épris de coquineries
Ainsi
Il donna
Le premier baiser
Au premier vaurien de trop bonne fortune
Sais-tu
La couleur nacre
Des chairs proscrites
Sais-tu
O combien
Les baisers sont des larmes de glace
Transpercées de mélancoliques sortilèges
Là exactement là
Sous la joue
Ou sous la bouche
L’amour est entré en guerre
Puis
L’horloge battit des yeux
Le temps s’inventa
Un jour tu embrasses
Un jour ne n’embrasse pas
Les baisers
Sont comme les papillons
Incertains comme les promesses
Un jour tu embrasses
Un jour te n’embrasses pas
Désinvolte
Tu sautas à la marelle des jeunes filles
Mais beaucoup plus
Tu jouas aux jeux sauvages
Des jeunes cygnes
Aux fonds bombés et têtus
Perlés de sueur
Le bonheur
Sérénité effrayante
Rayonne comme un lac
Et l’eau glacée sucre les corps des baigneurs
Dans l’eau sombre les algues enlacent les corps
Les mots succèdent aux mots
Désinvoltes
Par en-dessous
Se trament les fils
De secrètes aventures
Obsessions
La couleur nacre des proscrits
Tes amours
Mi-chair
Mi-poisson
Mi-malédiction
Un chat noir passa sur le drap du lit
Frôla une jeune main assoupie
Le chat noir raconta tes secrets
Aux diables et aux dieux pleins d’ennuis
Mais d’aucun ne lâcha le cornet à dés
Des destinées humaines
Un chat noir raconta tes secrets
Aux hommes pleins d’ennuis
Qui dressèrent tribunal
Les diables et les dieux
Soufflant implacablement
L’intrigue et le jugement
Apeuré, blessé, proscrit
Tu te sauvas
As-tu longé
Ces roses rouge fleurissant
Sur les murs des faubourgs ?
As-tu senti
Ces autres rêves d’amours
D’un autre peuple
Ces rêves d’amours et de liberté grandie de fraternité
Là tu t’abritas
Rues de Paris
Rues rebelles
Le pavé cultive ses souvenirs de révolution
Rue de Paris
Ce soir
Sur le pavé parisien
Gisent des jeunes gens
Espoirs fauchés : avenirs, désirs
La liberté d’être
La liberté de devenir
Le bonheur git
Cerise écrasée
Dans la rue sanglante
Ô Plaisir d’amour
Dois-tu toujours duré qu’une saison ?
La litanie des guerres
La haine comme un noyau
Poussée dans des cœurs frustrés
Implacables dans leurs sombres oracles
Ce gout des prophéties
Qui repoussent de siècle en siècle
Telles les ronces
La fleur des terrains vague
Ce gout des prières
Hypnotiques
Pour des âmes en déshérences
Perversion spirituelle
Où Dieu est bien loin
Où dieu pleure devant ces vieilles idoles
Armes toujours plus révérées
Là chacun cherche
Ses morts et ses chansons
Les fleurs souffrent
Et l’amour a mal
Pour toujours
Le désir d’amour semble abandonné
Aux cycles implacables des guerriers
La bise brise la ville
La misère trempée de l’hiver
Ronge la rue
L’indigent meurt toujours dans l’indifférence
Aux bords du canal
Des étrangers transis essais de se chauffer les mains autour de braseros
Fuirent des lois brutales
Fuirent des assassins
Ils vont de ville en ville
Chercher un asile
Me revoilà en promenade
Devant ton tombeau
Le Père Lachaise en hivers
Temps suspendu
Que n’a t’on semé des cerisiers
Dans le cimetière où tu gis
Pour arroser de fleurs blanches
Tes rêves de baisers inassouvis
Homme de plume
Au cœur insaisissable
Homme malin
Brillant de chutes carnassières
Tu sais plus que tous
La dure vie des mecs
Réduits aux cachettes
Dans le cimetière
Tu fais semblant d’être mort
Pendant
Que des chats noirs
Font semblant
D’être fort absents
Sous les fleurs de cerisiers fantômes
Vois l’anonyme androgyne
S’approchant
Ajustant sur ses lèvres un rouge
Rouge baisé
Puis délicatement embrasser la pierre
Ta pierre
L’amour du sexe
N’a pas de sexe
L’amour ne nait pas plus
Au sud des boussoles
Que dans le nord des pléiades
Le cœur en chamade
Vole vers l’infini
Toi
Enfant
Jeune homme
Homme
Tu attends
Dans ton tombeau blanc
Tes hommages
Un baisé d’amour ajouté aux baisés d’amour
Et
Enfants
Jeunes hommes
Hommes
Adorateurs
Accordent cet hommage
Un baisé d’amour ajouté aux baisés d’amour
Le désir a son pèlerinage
Sous la lune
Toujours charmante
Par chagrin exceptionnel
On peut voir danser
Des lutins malandrins
Des elfes licencieux
Dieux
Diables
Chats
Là ou tu reposes
Amant au cœur léger
Ici J’aime
A vagabonder mes rêves
Dans ce cimetière du père Lachaise
Mes pats incertains
Dérangent à peine le royaume des chats noirs
Qui sur ta tombe
Se battent
Et s’aiment
Rageusement