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Billet de blog 27 septembre 2024

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Putains de mecs

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Elle s’appelle Marie. Tous les jours elle se lève à 5h30. Elle aime avoir le temps le matin, ne pas courir... Elle fait des ménages, comme on dit. Elle est femme d’ouvrage, l’ouvrage des autres familles, auquel s’ajoute celui de la sienne, monoparentale, comme on dit. Elle a deux enfants, un garçon et une fille. Des ados, aujourd’hui. Elle fait ses lessives le samedi, comme elle dit. Son père, en faisant ses courses, lui prend les flacons de lessive liquide. Elle lui en est reconnaissante : c’est une belle économie.

Elle vient chez moi tous les quinze jours, le lundi. On s’échange des idées de souper. Elle comme moi, on n’en peut plus de se demander, chaque journée que Dieu fait (façon de parler), qu’est-ce que je vais leur faire à manger... Notre charge mentale, comme on dit... Enfin, moi je fais un peu semblant, par solidarité : en vrai j’ai un mari sur qui compter, pour la partager.

Elle a commencé à travailler chez les gens, Marie, après avoir accompagné de près sa maman à l’agonie (cette dernière est morte alors que sa fille avait la vingtaine, dans des souffrances abominables, d’un cancer incurable). Marie avait deux petits, à l’époque. Un mec violent aussi. Un jour c’est elle qui a explosé : elle l’a surpris au lit avec une fille qu’il avait ramenée au domicile, alors qu’elle dormait chez sa mère, qu’elle couvait de soins infinis, à défaut de pouvoir la sauver. Ce jour-là (c’était un matin, je crois), elle a pété un câble, abîmé la voiture de son gars, avec le premier bout de bois qu’elle a trouvé. J’imagine que l’autre fille, en robe de nuit derrière la baie vitrée, a dû avoir peur de cette fureur.

S’en est suivie une séparation que l’on pourrait, par euphémisme, qualifier de conflictuelle. La réalité, c’est une succession de fulgurations. Des violences, physiques, psychologiques (sexuelles ? je ne sais pas : on ne demande pas ces choses-là), qui ont conduit Marie à pousser les portes d’un commissariat. Au final, elle a porté plainte une dizaine de fois, parfois avec un œil au beurre noir, et d’autres traces manifestes des déchainements de violence de son ex. Au sommet des violences qu’elle subissait, une policière lui a dit : Madame, vous n’allez quand même pas venir chaque semaine... Sur un ton gentiment paternaliste.

Un harcèlement quotidien a suivi la séparation effective. Souvent il lui téléphonait, juste pour le plaisir... de lui articuler ses invectives. Grosse pute ! était celle qu’il affectionnait le plus.

Suite à toutes les plaintes que Marie, seule, a courageusement portées, preuves sur sa gueule amochée et certificats médicaux à l’appui, le mec a écopé en tout et pour tout d’une nuit de garde à vue. Un B&B insolite. Gratis, le paquet de frites ! Pas de comparution devant un juge, pas de perte de l’autorité parentale (même provisoire, si ça existe), pas de prison avec sursis, rien. Elle pense d’ailleurs qu’il n’a pas de casier : il a été embauché comme conducteur de poids lourds dans une bonne société. Elle n’en est pas sûre : elle n’a jamais rien su des suites précises de ses procédures, si ce n’est qu’il restait libre, totalement libre, de ses allées et venues, libre de lui téléphoner, de la traiter de grosse pute, de la harceler... Libre d’exercer ses droits de père sur sa progéniture. D’utiliser ce levier pour la faire chanter (à tue-tête, cela va sans dire) et la faire danser sur sa tête. Ça aurait pu être pire : Marie s’est démenée pour épargner ses gosses. Tant bien que mal, elle a réussi à les protéger. De ce mec qu’elle avait aimé.

Un jour, Marie est convoquée, par la police. Elle ne connait pas le bureau en question mais se rend au lieu-dit de la convocation, très stressée, se demandant ce qu’ils ont à lui reprocher. Les policiers la reçoivent et lui expliquent que son ex a été appréhendé par eux (au cours d’un conflit dont elle n’apprendra que des bribes), que son téléphone a été confisqué et que dans la messagerie, ils ont trouvé des menaces de mort qu’il lui avait envoyées (quelques-unes des dizaines qu’elle a reçues de lui). Les messages devaient être gratinés car les flics la regardent comme une miraculée, lui disent C’est grave, très grave, vous savez... et, imbus de leur grandeur d’âme, la sermonnent : Pourquoi n’avez-vous pas porté plainte, Madame ? Marie les regarde, interloquée. Là, elle vit son petit moment de gloire : avec le franc-parler qui lui est coutumier, elle leur rétorque : Vous vous foutez de ma gueule ? Après qu’elle s’est expliquée, les flics, à n’en pas douter, se sentaient petits. Elle, pour une fois, était grandie, par son aplomb et par ce concours de circonstances qui lui donnait raison. Justice bidon ! Elle m’a raconté plusieurs fois cet épisode mémorable. On en rit, dans ma cuisine, en faisant le ménage…       

Pendant une quinzaine d’années, elle a, financièrement, strictement tout assumé, pour elle et ses enfants. Heureusement que son père était là, pour la lessive liquide, qui - comme nous, bourgeois, ne le savons pas - coûte un bras. C’était difficile, d’autant plus qu’à Noël, l’ex violent se rattrapait : non astreint au versement d’une quelconque pension alimentaire, il avait le budget pour gâter ses enfants. Quand ceux-ci étaient petits, c’était difficile pour Marie : elle, avec son rachitique salaire, ne pouvait pas s’autoriser à les pourrir comme ça. Elle aurait bien aimé, quelquefois. Heureusement, en grandissant, ils ont compris, savent ce que leur mère a fait pour eux, ce que leur père a fait contre elle, contre eux. Ce qu’il n’a pas fait, aussi. Un jour (les enfants étaient de grands adolescents), elle a décidé : ça suffit. Elle lui a écrit. En gros, elle lui a dit : C’est bon comme ça, mon gars, il est sans doute temps que tu banques pour tes enfants. Depuis cette lettre (dans l’attente de laquelle il devait quand même vivre à mon avis), il lui verse mensuellement une dérisoire pension qu’on ne peut dire alimentaire, puisqu’elle ne couvre même pas les courses d’une semaine de cinq jours. Marie s’en contente : c’est toujours ça de pris. Elle n’a rien réclamé pour toutes ces années passées à compter. C’est qu’elle a un loyer qui mange tout son salaire. Ne pourra jamais acheter : les banques exigent l’apport des frais de notaire. C’est imparable. La propriété n’est pas à sa portée.

À ma question Tu pars en vacances ?, à l’orée d’un congé, Marie m’a répondu d’un catégorique : Jamais. Une année, tout de même, elle est allée une journée dans un parc d’attractions en Hollande : un bâtiment de tôle qui renferme deux pistes arrosées de fausse neige. Moyennant les frais de l’entrée, on peut s’y essayer au ski sans les impayables forfaits. Ni l’air pur, ni les majestueux sommets. Ni l’éblouissante nature, ni la beauté qu’on trouve en altitude. Elle n’a jamais vu Paris, qui est à quatre heures d’ici. Se dit que ce serait bien, tout de même, d’un jour voir la tour Eiffel.    

Le fils, depuis quelques années, refuse de voir le père. Ce dernier l’en punit en offrant des cadeaux d’anniversaire uniquement à sa fille. Car Marie n’a jamais interdit le droit de visite, par peur des représailles ou pour laisser une chance à ce père, qui n’a jamais été un mari.

Autant vous dire que Marie n’a jamais refait sa vie : plutôt mourir que de laisser à nouveau un type rentrer dans sa tranquillité – toute relative – retrouvée (recouvrée devrais-je écrire, tant celle-ci conditionne la santé). Peut-être qu’elle baise ici ou là, dans une optique hygiénique, comme on dit. Je ne sais pas. Elle a en tout cas renoncé à la vie de couple, à l’amour aussi, sans doute.

Il y a quoi, un an de cela ? un petit vieux chez qui elle allait chaque semaine nettoyer, s’est amené, en déambulateur, dans cette cuisine où elle faisait sa vaisselle, tâche habituelle. Elle a d’abord senti sa présence derrière elle. Pressenti quelque chose (cette sensation indéfinie que reconnaitront toutes les filles). C’est alors qu’il a saisi et son cul et ses hanches, agrippé son ventre, en lui disant de sa voix chevrotante (et ce n’était pas une demande) : Laisse-moi toucher tes p’tits seins ! Elle l’a vertement repoussé, horrifiée, a fui, au pas de course, s’est ravisée, puis est retournée voir si elle ne l’avait pas fait tomber. De cela aussi on rit aujourd’hui, à deux, dans ma cuisine. Fallait-il qu’elle soit gentille, tout de même ! Elle craignait, s’il était à terre, qu’il ne puisse se relever, le vicieux grabataire... Pour son agresseur nonagénaire, Marie a eu cette empathie. Inutile de vous dire qu’elle n’a même pas envisagé, pour aller porter plainte, de perdre une demi-journée. Elle a juste exigé de ne plus y retourner.

Récemment son employeur, pourtant au courant de cette agression (car oui, pour celles et ceux qui en doutaient, ça s’appelle une agression sexuelle et c’est passible, je crois, de cinq ans d’emprisonnement... en théorie), son employeur, disais-je, l’a envoyée travailler dans la maison qui jouxte celle du vieil obsédé. Elle en était dépitée, mais n’a pas protesté. Il avait peut-être oublié... Pas elle. Ça lui tord le bide de se garer, chaque mardi, à proximité de la maison du vieux pervers, de voir, encore collé à sa fenêtre, son sticker de facho où est inscrit Touche pas à mon pays ! Au moins, maintenant, grâce à Marie, sa voisine sait à qui elle a affaire. Le papy, là ? Ah bin, on n’aurait pas dit... Moi non plus, vous savez, j’aurais pas cru...

Marie n’a pas oublié non plus celui-là qui, quelques années auparavant, s’était mis en tête de la mettre sur son testament. Le septuagénaire venait de perdre sa femme handicapée. Il se sentait seul et appréciait la compagnie hebdomadaire de sa petite ménagère. Au début, elle en riait, Marie. Petit à petit, ça a pris des proportions très gênantes (Je suis amoureux de toi !, lui a-t-il déclaré une fois), au point qu’elle a pris l’initiative d’en parler à la fille du monsieur en question, pour qu’elle le raisonne et qu’il arrête de la bassiner avec ça. Un jour, elle n’y est pas allée : elle était en congé. Peut-être ne l’avait-on pas prévenu (c’est la tâche du bureau qui emploie Marie), sans doute l’avait-il attendue… Toujours est-il qu’il s’est permis, le pauvre homme, de lui téléphoner, à son domicile privé, pour lui assener : Espèce de petite putain ! Comprenez-le : il avait fait du café pour deux, le brave, et il déteste le gaspillage... Évidemment, Marie n’y est jamais retournée. C’est là que le harcèlement a commencé : des appels, de jour comme de nuit, de longues et insistantes sonneries. Marie reconnaissait le numéro, se gardait bien de décrocher. Elle endurait ce gsm qui sonnait, ces dring intempestifs, piqûres de rappel de sa condition de fille. Un jour elle en a eu ras-le-cul : elle a décroché. Vous me sonnez encore une fois, j’appelle la police. Peur des flics ? de la détermination de son ton assertif ? L’homme s’est abstenu. Elle n’a plus entendu parler de lui.

Une autre fois, elle est allée travailler chez un gars : un quinqua, avachi dans son fauteuil miteux, en pyjama. Crade. Gros, gras et dégueulasse (il rotait en dedans en lui parlant). Il était bourré, vivait au milieu d’un bordel pas croyable. Il lui a ordonné : Tu commences par la salle-de-bain, à l’étage. Elle est dure à la tâche, Marie. Loques et produits d’entretien en main, elle est montée, pour s’exécuter. Elle briquait les sanitaires depuis une dizaine de minutes à peine quand le mec s’est campé dans l’embrasure de la porte et a commencé à la regarder bosser, sans rien dire. Les yeux défoncés, tenant à peine sur ses pieds, il la matait, sa petite femme… de ménage. Une cabine de peep-show à moindres frais, tranquille, à son domicile. Certes la bonasse était habillée, mais elle travaillait à l’heure et devait se bouger le cul si elle voulait être payée. Au début, elle l’a ignoré – elle en avait vu d’autres, Marie, et tenait à ses titres-services. Il faut dire qu’elle avait déjà bien avancé. Mais le voyeur restait là, la menaçant de sa carrure et de son poids. Ses yeux lubriques lui détaillaient poitrine et cuisses. Elle a tenu un quart d’heure, puis s’est cassée. Il s’attendait à quoi ? à ce qu’elle lui taille une petite pipe sur le rebord de la baignoire ? C’est un chemin qu’elle s’est taillée, au travers de cette armoire à glace qui faisait barrage. Heureusement pour elle, elle avait fait provision de sa rage. L’homme, bousculé avec une force inattendue, a dû s’incliner. Aller cuver… Le spectacle était terminé ! La demi-journée était perdue : son salaire en serait raboté.

Au début, je la trouvais distante, Marie. Un peu bourrue, un peu méfiante. Aujourd’hui que je la connais, que je sais ce qu’elle a vécu, je la trouve sacrément polie. Et c’est à ces putains de mecs - qui me débectent - que je retourne l’injure de la souillure : Bande de sales putes ! Je vous déteste ! Oui, vous, putains de mecs ! qui vendez votre âme au diable ! Allez-y, au diable ! avec un sac de frappe et une putain de poupée gonflable ! Et ma brosse à chiotte pour bénir les flammes de votre enfer ! Je suis violente, n’est-ce pas ? C’est votre violence que je vous rends. Car j’ai moins aussi une expérience toute personnelle de cette violence masculine et paternelle qu’il me faudrait tout un livre pour écrire...

Toi qui me lis et qui es peut-être choqué par ma vulgarité (hélas ! nous ne vivons pas dans un monde où pute et enculé ne sont pas des insultes), as-tu déjà été un cogneur, un harceleur, un voyeur ? Un maître-chanteur ? Un pervers manipulateur ? As-tu déjà agrippé, poussé, menacé une meuf ? Lui as-tu déjà fait peur ? As-tu cassé des assiettes pour faire montre de ta puissance et la sidérer ? As-tu déjà insisté pour du sexe alors qu’elle t’avait repoussé ? As-tu ignoré ses Arrête ! As-tu déjà pénétré ta copine endormie ? c’est-à-dire violée, tiens-toi ceci pour dit. As-tu déjà profité du fait qu’elle (ou une autre) était bourrée ? L’as-tu, toi, via l’alcool ou des produits, chimiquement soumise à ta volonté ? L’as-tu, par ta violence et ton fric, aliénée ? T’es-tu, toi, bituré au point de ne plus pouvoir contrôler tes mains happant de la chatte, pétrissant du sein ? ou ta bite qui, fourbissant un corps inerte, s’agite ? As-tu imposé tes paluches aux fesses d’une fillette, de son corps dissociée ? As-tu, face à cette gamine pétrifiée, exhibé ton sexe ? Ou plus ? Es-tu ce que d’aucuns appellent encore un pédophile ? un terme qui contient, en son insupportable étymologie (phile « qui aime » ; pédo « les enfants »), l’histoire, sempiternelle, de leur exploitation sexuelle, terme qui tend heureusement à être supplanté par celui, indiqué, de pédocriminel. Es-tu toi aussi un de ces putains de mecs qui peuvent tordre le cours de rien de moins... qu’une vie ? Es-tu toi aussi un de ces cancers dont on peut mourir ?

Si tu fais un sans-faute avec un max de non, passeras-tu le test de ces trois questions ? As-tu déjà joui - au sens large, j’entends - de la peur que tu inspirais à tes enfants ? As-tu déjà exercé ce qu’on appelle communément la violence éducative ordinaire ? qui n’éduque en rien, sinon à la violence elle-même. Les as-tu déjà humiliés, culpabilisés de coûter de l’argent et du temps ? Si c’est encore trois fois non, pose-leur, à elles, à eux, les questions. Histoire d’en avoir la confirmation...

Quand je pense à Marie, à ces violences masculines qui ont effracté sa vie... Sa vie personnelle, professionnelle aussi. Quand je pense qu’elle devra certainement travailler encore une trentaine d’années... Que devra-t-elle encore endurer ? Peut-être qu’avec le temps qui nous traverse, elle sera moins exposée... Mais est-ce vraiment aux rides et aux bourrelets de nous protéger ? N’est-ce pas plutôt aux hommes de cesser d’agresser ?

Ami.es lecteur.ices, imaginez maintenant ce que peut endurer une femme d’ouvrage racisée - par ce genre de mecs, exotisée -, qui ne parle pas le français ou le parle mal, qui n’a pas de papiers, pas de logement peut-être... Et amis lecteurs, hommes ! c’est vous que je somme de vous demander : pourquoi ce n’est pas un des vôtres qui signe ce texte ? Tout être humain peut s’identifier à toute être humaine, non ? C’est ce que nous apprennent les romancières, les romanciers. Pourquoi c’est un homme trans - assigné fille à la naissance - qui a rédigé la tribune des hommes solidaires de Gisèle Pélicot ? Réfléchissez-y. Écoutez-nous. Écoutez-les, ces femmes à votre service. Offrez une pause et un café à la dame de votre ménage, pas une fois, non, mais chaque fois, parce qu’elle mérite bien ça (vous, vous vous l’octroyez, cette pause-café, n’est-ce pas ?). Gagnez sa confiance, recueillez ses doléances et qui sait ? ses confidences, mais ne vous étonnez pas si vous l’impressionnez, si elle est craintive, se méfie... Éduquez-vous sur ces questions : les parutions féministes ne manquent pas, vous avez le choix. Et maudissez avec nous ce genre d’hommes qui fait ça, à toutes les Marie, Meriem, Maria... 

Aujourd’hui j’ai une pensée pour Nafissatou Diallo, la « domestique » que DSK, selon les mots de son pote Jean-François Khan, s’est permis de « trousser ». Une employée qui travaillait et de qui il a voulu faire sa pute. J’ai une pensée pour les prostituées – ces femmes dignes et respectables qu’il avait l’habitude de fréquenter – qui ont dû endurer ce client répugnant, que des agresseurs comme lui ont peut-être violées – car oui, il arrive qu’une prostituée se fasse violer. Elles sont même, du fait de leur métier, plus exposées au viol que n’importe qui dans la société. Au féminicide aussi. J’ai une pensée pour toutes les personnes minorisées, moquées, raillées, comme dans ce clip salement transphobe qui a fait le buzz et auquel je ne ferai pas plus de publicité. Je pense à Kesaria Abramidzé, une femme transgenre assassinée en Géorgie, au lendemain du vote d’une loi anti-LGBT. Retenez son nom bizarre : il est, à l’instar du poème d’Éluard, synonyme de liberté. Il l’est, à jamais. Une liberté qu’il faut défendre, bec et ongles, contre tous les faiseurs de prisons. Qui ont soif de domination. Et qui peuvent draper - masquer - leur haine sous le couvert de l’unanimement chérie liberté d’expression. C’est celle-ci que j’invoque ici pour écrire tout ceci et dire avec passion : il est temps que les hommes se remettent en question. Tous les hommes. All of You ! Même les plus tendres, même les plus doux. Sortir en masse de votre indifférence - ou si c’en n’est pas de votre latence - peut faire pencher la balance. Nous pourrions, avec votre concours, basculer, dans la rue et les rires, vers une société plus juste. Faire cette joyeuse révolution, ni moins, ni plus ! Accomplir l’utopie !

Serez-vous, en foule virile et violette, de nos prochaines manifestations ? Arbres qui montrent la forêt noire de vos pairs (qui, nous le savons, ne sont pas des monstres), qui les dénoncent ? Exceptions par milliers - par millions, qui sait ? - qui infirment la règle de l’oppression ? Viendrez-vous battre ces pavés que depuis des décennies nous foulons entre filles ? Renoncerez-vous à votre privilège de ne pas vous sentir concernés ?

J’ai une dernière pensée pour Léonore Chastagner, la fille de Christine Angot. Dans son magnifique film Une famille, l’écrivaine confie à sa fille qu’en une phrase, elle a rompu sa solitude. Je suis désolée qu’il te soit arrivé ça, maman, lui avait-elle dit, simplement. Le ça dont il est question, c’est l’inceste, qui a minima - toutes les études le confirment – concerne, ou plutôt détruit, 2 à 6% des enfants. Un inceste qui, dans la tête de Léonore petite fille, existait, comme une fatalité : quelque chose qui était là et auquel sa mère n’aurait pas pu échapper. Un jour, adulte, elle a compris : ce n’était pas une fatalité. Ça aurait pu ne pas exister. L’émotion l’assaille quand elle dit à sa mère : Mais c’est qui, ce type ? ce connard ? D’où il s’est autorisé à faire... [sa voix s’étrangle]. (Je cite de mémoire.)

J’en termine, mais j’ai une ultime pensée pour la petite Christine (fillette au sourire angélique dont on voit la photo sur internet), brisée, et pour tous les enfants victimes d’inceste, ou d’abus comme on dit pudiquement (c’est-à-dire d’incesteurs – des incestueurs - et d’agresseurs, à un ou deux pour cent près) : victimes de putains de mecs, en fait... Victimes de la violence des adultes et/ou de leur ivrognerie : victimes de brutes et/ou d’ivrognes en fait... Victimes collatérales des violences intra-familiales, comme on dit (des violences des pères dans l’écrasante majorité des faits) : co-victimes (avec leur mère) de leur daron, en fait...

Putains, mais putains de mecs...

#Not all men ?

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