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Billet de blog 21 juin 2023

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Pourquoi je n'ai jamais porté plainte (I)

L'emprise (épisode 3 ) : je n'ai jamais rien dit à personne.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Sur les deux-trois ans que ça a duré, je n'ai jamais porté plainte. 

J'ai hésité, parfois je suis restée plusieurs minutes devant l'entrée du commissariat, mais je ne l'ai jamais franchie. J'avais des scrupules : et s'il va en prison ? et s'il se retrouve à la rue ?  Est ce que ça ne va pas l'empêcher de voir ses enfants ? Est ce que sa famille ne va pas le rejeter ? 

J'avoue que, souvent ce qui m'arrêtait, c'était plus ces questions que la question de mon intégrité physique ou de ma santé mentale. J'étais amoureuse, je ne voulais pas qu'il lui arrive quoi que ce soit de mal. Et, quelque part, tant pis pour moi. Je me disais aussi que ça ne servirait sans doute à rien, en raison d'une mauvaise expérience précédente.

Avant de connaitre cet homme, j'ai été mariée à quelqu'un d'autre, que j'appellerais Z. Z a été violent vis à vis de moi une fois. Il voulait avoir la carte bancaire de notre compte, je m'y opposais ( Z buvait1.5 bouteille de vodka par jour) . Quand j'ai voulu partir, il s'est mis contre la porte ; puis il m'a prise par le cou, m'a plaquée au mur, et a commencé à serrer.  je me suis débattue, puis je l'ai mordu. Il a fini par me lâcher et ouvrir la porte. 

Je me suis enfuie et suis allée porter plainte au commissariat. Je n'ai rien à dire sur ce qui s'est passé au commissariat : les policiers ont vraiment été à l'écoute, j'ai été entendue, Z a été arrêté tout de suite et placé en garde à vue. Il a ensuite été déféré au parquet, et présenté au JLD pour un placement sous contrôle judiciaire, qui finalement n'a pas été prononcé. le procès s'est tenu assez rapidement 2 à 3 mois plus tard. J'ai également été entendue au procès, et, sachant exactement ce que je devais dire (par expérience) j'ai obtenu ce que je voulais : un sursis avec mise à l'épreuve avec obligation de soins. C'est ensuite que les choses se sont gâtées. Le dossier est transféré à un autre tribunal de la région parisienne, car à l'époque, je travaille au service d'application des peines du tribunal qui a condamné Z. Sans convocation devant le JAP (Juge d'Application des Peines) le dossier est alors transmis à un conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation (CPIP) qui finit par convoquer mon mari sur  ma demande (très) pressante : pour moi, il est impératif de commencer son obligation de soins et ça fait déjà 4 mois qu'on attend. Pour sa première convocation, sachant quelles pièces vont lui être demandées, je lui constitue un petit dossier : copie de la CNI, copie du livret de famille, copie du relevé bancaire, copie de ses dernières indemnisations (Z était au chômage), copie des charges de copropriété et copie de l'échéancier EDF. Le CPIP refuse le justificatif de domicile, car l'échéancier EDF est à mon nom et les charges de copropriétés ne sont pas suffisantes ; il dit à Z de fournir une attestation d'hébergement, ce qui est ridicule, puisqu'on est mariés, donc, censés habiter ensemble. Je lui fournis quand même une attestation et copie de la taxe d'habitation (qui est à nos deux noms). Nouveau rejet, au motif qu'il n'y avait de facture au nom de Z. J'ai eu l'impression à ce moment là que c'était moi qui était suivie par le CPIP.  J'ai quand même sorti une dernière facture (téléphone mobile) en disant à Z de transmettre à ce c........, qu'en cas de nouveau rejet, j'écrirais au JAP, ça faisait quand même plusieurs mois que cette histoire durait et qu'il faudrait pas se tromper de personne à suivre. 

Le dossier fut accepté. Le CPIP devait reconvoquer Z pour commencer l'obligation de soins. Ce ne fut jamais fait. Z fut à nouveau convoqué une fois pour mise à jour de son dossier et ce fut tout. Entre temps, on lui transmit un avis de déplacement en France (on allait avoir les parents) puis une demande de permission de sortie du territoire pour un week-end, qui ne nous fut jamais transmise à temps, ce qui nous obligea à renoncer. Les quelques conversations téléphoniques que j'eus avec le SPIP furent surréalistes :je n'étais pas coupable, mais "on" se demandait bien quand même, pourquoi j'étais encore là, pire encore, comment j'avais laissé faire tout ça comme ça : son alcoolisme, son chômage, sa perte d'envie de se battre, etc, etc... j'ai raccroché. 

Evidemment, la mesure a expiré sans que rien n'ait été entamé. 

Quelques années plus tard, quand mon nouveau compagnon a commencé à me battre, je n'ai pas voulu revivre cette expérience. Je me suis dit que si c'était pour encore être considérée comme victime, certes, mais aussi comme responsable de cette situation, ce n'en valait pas la peine. 

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