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Billet de blog 4 avr. 2015

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Sous-traitance nucléaire, danger : les petites mains du nucléaire arrivent à Paluel

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Le grand carénage va commencer à Paluel : sous-traitance, rafistolage, exposition aux radiations et gros sous au programme.

Source : Paris Normandie (http://www.paris-normandie.fr/detail_article/articles/2844444/actualites+economie/les-petites-mains-du-nucleaire)

Le grand chantier de la centrale nucléaire de Paluel va nécessiter l’intervention de milliers de salariés extérieurs : des professionnels aux conditions de travail trop précaires.

Le grand carénage des quatre réacteurs de la centrale nucléaire de Paluel, mise en service en 1984, durera quatre ans (photo d’archives)

Un parking à étages de 1 800 places, des bâtiments avec ateliers, bureaux et vestiaires, trois restaurants... La centrale nucléaire de Paluel, la première de France à lancer, en avril, ses travaux de grand carénage (lire ci-dessous), s’est préparée à accueillir un afflux exceptionnel de travailleurs extérieurs.

Ces prestataires, près de 700 à intervenir en permanence sur le site, approcheront les 2 500 au plus fort de l’activité. « Depuis plus de 20 ans, EDF a choisi de confier la majorité des opérations de maintenance sur ses centrales à des entreprises de sous-traitance », indique le premier producteur et fournisseur d’électricité du pays.

En 2013, elles ont assuré 80 % des opérations en France. Près de 23 000 sous-traitants ont été mobilisés, dont 21 000 en zone nucléaire. C’est deux fois plus que le nombre d’agents EDF affectés à la maintenance quotidienne sur les sites. La plupart de ces soudeurs, chaudronniers, robinetiers, électriciens, mécaniciens ou logisticiens travaillent pour Areva, Alstom, Suez, Vinci, Groupe Onet et Spie. Qu’ils interviennent dans la même centrale tout au long de l’année ou passent d’un site à l’autre en fonction les chantiers (ces « nomades », français et étrangers), tous doivent suivre trois formations obligatoires : « prévention des risques et à la radioprotection », « habilitation nucléaire » et « qualité sûreté prestataires ». « Le grand carénage de Paluel est une vraie opportunité pour les entreprises de la région, souligne Didier Pézier, président du Groupement des industriels prestataires nord-ouest. Mais l’investissement est lourd, tant moralement que financièrement. » Mais pour Alain Corréa, du collectif Stop EPR ni à Penly ni ailleurs, les prestataires « ne connaissent pas les installations aussi bien que ceux qui y sont en permanence et peuvent passer à côté de quelque chose. »
Pour mesurer la dose de radioactivité reçue, chaque sous-traitant qui intervient en zone nucléaire est équipé de deux dosimètres. La limite est de 20 millisieverts par an. Les salariés doivent également porter une tenue pour se protéger des poussières et des combinaisons étanches et ventilées lors d’opérations spécifiques. Ils passent aussi un examen médical en arrivant, ainsi qu’un dépistage d’une éventuelle contamination interne avant chaque mission. «Il faudrait aussi que les médecins qui suivent les prestataires viennent plus souvent, pour Joël Dujardin, secrétaire général de la CGT sur le site de Paluel. On s’inquiète également pour leurs horaires de travail. Beaucoup sont en 3 x 8 ou en 2 x 8 pour terminer les chantiers plus vite.»

S’il attend le début des travaux avec impatience, Didier Pézier n’en reste pas moins vigilant. «Il y a un risque que certains grands groupes qui ont décroché les marchés demandent aux entreprises plus petites de tirer les prix vers le bas, prévient-il. La relation entre le donneur d’ordre et l’entreprise qui sous-traite doit rester une relation de partenariat.»

Un risque qui impose une exigence de transparence. Dommage que la direction de Paluel ne la partage pas. Elle n’a pas donné suite à nos demandes d’interview...

Dossier réalisé par Charly Le Gal

Une logistique exceptionnelle

Les chantiers. La centrale de Paluel est la première de France à connaître un grand carénage. Cette visite décennale qui intègre de nouvelles normes de sûreté décidées après la catastrophe de Fukushima, débutera en avril par le réacteur N°2. Une centaine de modifications seront réalisées sur cette unité : remplacement des quatre générateurs de vapeur et des pôles du transformateur principal, modernisation des équipements de contrôle-commande par l’intégration de matériels numériques.... «L’objectif est de garantir le meilleur niveau de sûreté pour une exploitation durable de l’unité de production», indique-t-on à la centrale. EDF espère prolonger de dix ans la vie du site, mis en service en 1984 et conçu pour fonctionner 40 ans.
La visite de l’unité 1 démarrera en 2016, en 2017 pour l’unité 3 et 2018 pour l’unité 4. Le coût des opérations est évalué à 800 M€ par réacteur de 1 300 MW.

Les deux réacteurs de la centrale de Penly, mis en service en 1990 et 1992, connaîtront le même sort à l’horizon 2020-2025. Certaines opérations, comme l’installation d’un diesel ultime de secours visant à renforcer l’alimentation électrique (mesure post-Fukushima), seront réalisées avant.

Hébergements. Les communes situées autour de la centrale de Paluel et EDF préparent depuis longtemps l’arrivée de ces milliers de travailleurs extérieurs. En novembre 2014, le premier producteur d’électricité de France et la communauté de communes Côte d’Albâtre ont signé une «déclaration d’actions communes». EDF s’engage à soutenir des programmes d’investissement pour développer l’offre d’hébergement sur le territoire, comme à Vittefleur, où un parc de résidences de 93 chambres a ouvert. En contrepartie, un accord qui court jusqu’à la fin du grand carénage prévoit qu’il soit loué la moitié de l’année aux salariés travaillant sur le chantier.

Des salariés vraiment comme les autres ? Le recours à la sous-traitance dans le nucléaire a-t-il augmenté ces dernières années? Pourquoi?
Philippe Billard: « Quand j’ai commencé comme travailleur sous-traitant, en 1985, on effectuait 20 % des interventions. Tout le reste, c’était les agents EDF qui le faisaient. Vingt ans plus tard, 80 % de la maintenance était assurée par les sous-traitants. On doit approcher les 90 % aujourd’hui. Le chiffre progresse parce qu’en sous-traitant la maintenance, EDF sous-traite les risques pour ne plus être responsable pénalement. Autre raison : le gain financier. Un agent EDF coûte jusqu’à trois fois plus cher qu’un sous-traitant pour le même travail. Ça a aussi cassé le tissu social. Car c’est très difficile de se syndiquer avec la concurrence qu’il y a entre les entreprises. »

Guillaume Bouyt: « Le volume des activités qu’EDF choisit de sous-traiter résulte d’une gestion sur laquelle l’ASN (NDLR : l’Autorité de sûreté nucléaire) n’a pas vocation à se prononcer. Ce qui est sûr, c’est que l’activité des grands carénages est d’une amplitude particulière et fera appel à un nombre élevé d’intervenants. Quel que soit leur statut, l’ASN contrôle de la même manière le respect des exigences applicables en matière de droit du travail. »

Ces salariés sont-ils suffisamment formés, informés et protégés pour intervenir dans une centrale?

P. B.: « Ce n’est pas avec une habilitation qu’on apprend à travailler dans le nucléaire. Elle sert surtout à dédouaner l’employeur qui en cas d’accident pourra dire que le salarié savait quels risques il courait. Or, à aucun moment les sous-traitants ne sont réellement avertis des dangers : rayonnements ionisants, contamination externe, interne... Les plus exposés peuvent prendre un quart de la dose limite (20 millisieverts/an) en deux minutes. Les deux dosimètres qu’on a sur nous ne suffisent pas à mesurer la dose réelle. Il en faudrait à chaque extrémité pour que ce soit fiable et faire la moyenne pour garantir qu’on est en dessous des 20 millisieverts. »

G. B.: « Les résultats des contrôles que l’ASN réalise sont globalement satisfaisants. Les inspecteurs ont toutefois relevé quelques situations nécessitant des actions correctives, par exemple pour assurer la bonne mise en œuvre de protections collectives ou individuelles, ou encore obtenir la conformité de certaines machines aux exigences applicables. Ces situations donnent lieu à des demandes écrites de l’ASN au titre des suites de son action de contrôle. »

Peut-on objectivement faire un lien entre le recours à la sous-traitance et les incidents dans les centrales?

P. B.: « Oui car pour toute intervention, il y a un planning à respecter et on ne peut pas réaliser un bon travail si le temps est compté. Alors il arrive qu’il soit bâclé à cause de cette pression permanente, ce qui ne garantit pas la sûreté des installations. On a vu ce que cela donnait à Tchernobyl, Fukushima, mais aussi près de chez nous. Sur son site internet, l’ASN répertorie tous les accidents en France qu’EDF minimise en parlant d’incidents. »

G. B.: « Les causes d’un événement sont généralement multiples et comportent le plus souvent, au-delà des aspects techniques et matériels, une dimension organisationnelle complexe. Il serait ainsi réducteur de limiter les causes d’un événement donné à l’action d’un intervenant unique, ou au recours à la sous-traitance en tant que tel. EDF reste responsable pour la sûreté de son installation. »

Dans quelles conditions travaillent les salariés étrangers présents sur les grands chantiers nucléaires?

P. B. : « Leurs compétences sont équivalentes aux salariés français. Mais ils sont moins payés. C’est une main-d’œuvre qualifiée et pas chère pour les entreprises. C’est pour ça qu’elles font appel à eux. Pour les organisations syndicales, c’est très difficile de les approcher parce que beaucoup ont la consigne de ne pas nous parler. »

G. B.: « Détacher des salariés étrangers en France nécessite de respecter les règles issues notamment de directives européennes en matière de couverture d’assurance maladie, de conditions de travail et de garanties au niveau social. Sur certains chantiers contrôlés par l’ASN, les inspecteurs ont observé et signalé aux entreprises concernées des situations qui peuvent s’apparenter à du travail illégal.. Les inspecteurs peuvent être amenés à dresser un procès-verbal qui est transmis au procureur. C’est lui qui ouvre, ou pas, une enquête.»

* Cofely Endel est une filiale du groupe GDF Suez.

** L’Autorité de sûreté nucléaire, indépendante, assure les contrôles de sûreté nucléaire et de radioprotection pour les activités du nucléaire civil.

Nous avons été alertés par l'intersyndicale des salariés de la sous-traitance MZC sur chantiers nucléaires

le grand car(é)nage et ses impacts sociaux était déjà dénoncé chiffres à l'appui , déposé dans le cadre du débat public au nom du PG en juin 2013 : https://www.lepartidegauche.fr/actualites/dossier/sous-traitance-dans-le-nucleaire-le-cri-d-alarme-parti-gauche-contribution-au-dnte-23923

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