http://www.slate.fr/story/117733/nuitdebout-agressions-sexuelles-sexisme
Si cet article traite plus particulièrement de ce qui se passe place de la République et des difficultés de faire entendre une voix de celles qui subissent les agressions, il souligne bien que le phénomène n'a rien de spécifique à la place - qui n'est pas un repère de malades sexuels. L'action féministe qui y est menée a conduit à un mieux. C'est une bonne nouvelle...
Juste quelques chiffres rappelé dans l'article :
"Les chiffres sont connus: en France, 16% des femmes et 5% des hommes déclarent avoir subi des viols ou des tentatives de viols au cours de leur vie, selon l’enquête Contexte de la sexualité en France. Une femme de moins de 20 ans sur 10 déclare avoir été agressée sexuellement au cours de sa vie, révèle aussi cette enquête. Et selon le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, 100% des femmes ont été victimes, au moins une fois dans leur vie, de harcèlement dans les transports en commun."
Alors juste pour ceux qui auraient des doutes, mon simple témoignage de ce que j'ai vécu dans les transports en commun quand je les utilisais beaucoup seule quand j'avais entre 18 et 25 ans.
- Version train de banlieu : quand tu es obligée de te lever de ton wagon vide et de passer devant un gars en train de se palucher ostensiblement devant toi pour sortir, car la SNCF a fermé la porte de communication vers l'autre wagon et que tu n'en parles jamais à personne parce que tu demandes ce que tu as fait pour générer ça;
- Version train de grande ligne : quand après avoir engagé la conversation avec un gars apparemment sympa (enfin c'est plutôt lui qui l'a engagé avec moi), tu te rends compte qu'il s'est mis à se carresser à travers son jean, et que tu prends tes clics et tes clacs, en lui lançant juste un "n'importe quoi" furibard et que tu ne vas même pas te plaindre auprès du chef de train, parce que celle qui a le plus honte c'est toi;
- Version métro : quand un jour de grève où tout le monde est sérré sérré, on te palpe bien le derrière, dans le style pouet pouet, et que tu regardes autour de toi pour chercher à savoir qui a bien pu, et que ton regard tombe sur le seul gars au regard souriant, fier de lui et que tu ferme ta geule;
- Version parking - là on était deux filles - quand tu viens rechercher ta bagnole après un resto et qu'un gus sort de derrière les buissons pour te montrer son kiki en action, et qu'on se sauve le plus vite possible, parce qu'il approche, dès fois qu'on n'aurait pas bien vu;
- Ah et j'oubliais celle-là : version hall de gare (de l'Est), quand un inconnu vient te dire à l'oreille, alors que tu es en train de marcher plutôt de bon pas vers le métro (ça donne quand même une idée de comment il se colle à toi tout en te suivant) "ça fait du bien de se masturber dans les toilettes", et que tu comprends pas pourquoi il vient te dire ça à toi.
Bref, j'ai aujourd'hui un peu plus de 50 ans et ces événements se sont passés quand j'étais encore étudiante. En tant qu'active, mes transports ont été d'abord le vélo et ensuite la voiture. Donc, ça fait un bail que je n'ai plus rencontré ce type d'énergumènes. Mais je me souviens encore de chacun de ces moments comme si c'était hier. J'analyse ma honte à moi, et pourquoi je me suis tue jusqu'à aujourd'hui. Parce que sans doute, dans ces cas-là, la victime devient très rapidement la coupable : et pourquoi t'étais seule dans ce wagon, et pourquoi t'as engagé la conversation... En oubliant que quand même, l'anomalie c'est de se défroquer devant une inconnue et lui imposer le va et vient de son "machin". En oubliant qu'en parler ce n'est pas facile... alors si en plus c'est pour qu'on t'engueule ou qu'on se paie ta fiole...
Bref, cette autocensure, je ne pense pas être la seule à l'avoir pratiquée, et s'il y a un effet Nuit Debout, c'est que même si ça n'a pas été facile, la parole se libère petit à petit. Et plus on saura parler de ces choses sans inverser le sens des valeurs, genre les taire pour ne pas salir un mouvement, quand justement il faut les dénoncer pour que le mouvement n'en soit pas complice, et plus on aura gagné en humanité.
Add-on : la réponse de la Gazette Debout à l'auteure de l'article de Slate